Il y aura toujours des brouillards qui pèseront sur nos vies. Leur traversée peut parfois être difficile; l’horizon s’embrume, le pas se fait chancelant. Mais comme le paysage, qui change au fil des saisons, cet état n’est que passager. La poète Hélène Dorion explore cette idée dans Le temps du paysage, son premier récit photographique, où le texte et l’image dialoguent d’égal à égale.
Hélène Dorion, qui a écrit plus d’une trentaine de livres au cours de sa carrière, a entrepris une résidence d’artiste à Umbertide, en Italie, pendant deux mois, à l’automne 2014. Un matin, vers la fin de son séjour, l’auteure a décidé d’aller se promener dans les sentiers plutôt que d’écrire comme à son habitude. À son retour, un appel lui apprenait que son père était mourant. «La mort est quelque chose qui vient nous secouer profondément et nous invite à aller vers la vie, vers l’amour, vers ce qui est vibrant. Cela a vraiment été un grand souffle qui a rebrassé mes racines», explique-t-elle.
Une ombre, celle du deuil, se pose alors sur la femme de 58 ans. Une ombre qui toutefois s’efface, s’alterne avec la beauté et l’amour. Des états transitoires, qui défilent comme le temps qui passe, qu’on pense connaître, mais dont on ne sait si peu. «L’amour, la mort et la beauté sont intimement reliés, comme une figure triangulaire qui tout à coup pointe vers notre propre transformation, vers le fait qu’on est des êtres humains en mouvement», précise celle qui a remporté de nombreuses récompenses pour ses œuvres, dont les prix du Gouverneur général du Canada, Mallarmé et Anne-Hébert.
La puissance du paysage
Le temps du paysage est aussi, et surtout, une conversation entre les photographies et les mots où la nature, plutôt que d’être décrite, se fait ressentir. «Le fait de regarder un paysage extérieur invite à aller dans un regard intérieur. Le personnage, c’est l’arbre, la route, le brouillard, la feuille, le bourgeon», remarque Hélène Dorion. Le livre, qui n’est d’ailleurs pas imprimé sur papier glacé, se présente comme un dialogue entre cette dernière et l’environnement dans lequel les textes et les photos sont littéralement disposés côte à côte, sur un même piédestal.
Une approche toute en douceur, souligne la principale intéressée, qui invite à la méditation et à la contemplation, à une sorte de voyage intérieur, une rencontre avec soi-même. «Le paysage semble dire ce que l’on ignore, mais que l’on reconnaîtra. Il touche du regard ce que l’on osait voir. Il perce une trouée au cœur de ce que l’on se cachait à soi-même et rend enfin visible cet angle mort qui nous obstruait le chemin, empêchait le pas suivant.» Cette prose, signée de la plume simple et sensible de la poète, accompagne un cliché du soleil tentant de percer les brumes et les nuages.
Le temps du paysage, c’est réussir à traverser les zones plus orageuses qui secouent à un moment ou à un autre notre vie. «Il faut les habiter, accepter l’inconfort et laisser le temps et les vents souffler doucement sur le brouillard», estime Hélène Dorion. Le ciel bleu ne tardera alors pas à montrer le bout de son nez.
Le récit photographique Le temps du paysage, publié aux éditions Druide, sera en librairie dès le 16 mars. Une exposition des photos du livre aura lieu du 17 au 20 mars au Salon B à Montréal.
Photo : Éditions Druide
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