Family Guy, Un souper presque parfait et 19-2 sont non seulement des émissions de télévision populaires, mais aussi des sujets d’étude répandus à l’UQAM.
Les étudiants de deuxième cycle à la Faculté de communication de l’UQAM sont de plus en plus nombreux à choisir les émissions télévisuelles comme objet de leurs recherches depuis les cinq dernières années, que se soit à la maîtrise ou au doctorat.
Depuis 2010, le professeur à l’École des médias Pierre Barrette dirige des étudiants de deuxième cycle dans leurs recherches de thèse ou de mémoire. Ayant lui même travaillé en analyse des médias, plus particulièrement sur la télévision, il serait à la genèse de la multiplication de recherches qui se font sur le sujet, récemment, à l’UQAM. «Certains étudiants ne pensaient pas que c’était possible de faire son mémoire sur une émission télévisuelle, souligne le professeur. Ils n’auraient peut-être pas osé demander, s’il n’y avait pas eu quelqu’un à l’UQAM qui s’intéressait à ça.»
Au Québec, les études télévisuelles sont relativement nouvelles, comparativement aux États-Unis où c’est quelque chose qui est plus développé, explique l’étudiante au doctorat en communication Stéfany Boisvert, qui est aussi chargée de cours à l’École des médias. L’étudiante s’affaire présentement à une thèse où elle compare la masculinité à travers des séries québécoises, canadiennes anglaises et américaines. «On se rend compte parfois par les voies de la comparaison qu’il y a des phénomènes culturels similaires tournant autour de la télévision depuis environ dix ou quinze ans. Trop peu d’observateurs aux États-Unis l’ont remarqué dû à la barrière de la langue», explique-t-elle. L’étudiante au doctorat trouve important de pouvoir contribuer au développement des études télévisuelles ici au Québec. «S’appuyer sur un corpus de recherche plus important qui a été fait ailleurs est une façon intéressante de développer les études d’ici», ajoute Stéfany Boisvert.
Si les téléromans québécois sont étudiés à l’UQAM, c’est aussi le cas de plusieurs séries américaines. Barbara Lopes, étudiante à la maîtrise en communication à l’UQAM, a choisi d’étudier la série Bref. Bref est une série française du genre shortcom, se situant entre le sketch et la comédie, avec des épisodes d’une durée variant entre une et cinq minutes. «La vérité est que je suis Française, et l’approche que j’ai choisie nécessite de connaître le contexte. Je parle beaucoup de la société, de la génération et c’est certain que c’est mieux de connaître le pays et la société dont on parle», explique l’étudiante à la maîtrise.
Une légitimité nouvelle
Si la télévision a longtemps été étudiée pour dire à quel point elle était mauvaise et à quel point elle avait des effets négatifs sur les gens, l’intérêt pour ses aspects esthétiques et pragmatiques est relativement nouveau, rappelle Pierre Barrette.
Le peu d’études sur le sujet est en partie dû au fait que la télévision a souvent été jugée comme un objet d’étude illégitime. «Dans le domaine culturel, pour que l’objet de recherche acquière une certaine légitimité, il faut qu’il y ait un genre de principe de distinction, poursuit-il. En faisant cette activité-là je me distingue des autres.» Pour se distinguer par rapport à la télévision, les gens vont souvent dire qu’ils ne la regardent pas, parce qu’elle est considérée comme «l’activité commune par excellence».
Depuis plusieurs années, avec l’arrivée des Cultural Studies, il y a de plus en plus d’approches différentes qui se sont développées, et il est possible de travailler sur des sujets non-légitimes ou en voie d’être légitimés. «Ce qui est important, ce n’est pas que l’objet soit sérieux, mais que la manière de l’envisager le soit, car on doit toujours démontrer l’intérêt de notre étude», affirme Pierre Barrette.
Les études télévisuelles peuvent être aussi vastes que le champ social lui-même. «Quand une série ou une émission fonctionne, c’est un très bon révélateur des tendances sociales, des tendances culturelles, des goûts et de la façon dont les gens se positionnent par rapport à la télévision», souligne le professeur à l’École des médias. Si une émission comme La Voix attire 2,8 millions de personnes, c’est qu’il y a quelque chose dans la société qui fait que les gens aiment ça, poursuit-il. La culture populaire devient légitime au sens où elle constitue un «symptôme» de quelque chose qui est plus large dans la société.
Avec la montée en popularité des séries et des nouvelles plateformes de diffusion comme Netflix ou Tou.tv, il y a fort à parier que les études sur le sujet se diversifieront encore, et que les étudiants de l’UQAM ajouteront leur grain de sel aux recherches télévisuelles.
Photo : jhonnymc / flickr / CC BY-NC-ND
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