Terrés dans des égouts de Roumanie ou errant dans le centre-ville de Manille, les enfants de la rue vivent souvent dans l’ombre. Muni de sa caméra, Paul-Antoine Pichard tente de mettre en lumière ces enfances ténébreuses.
«Je navigue dans un monde schizophrène, entre l’Occident et son confort et l’extrême pauvreté», explique le photographe Paul-Antoine Pichard pour décrire son travail. Abus sexuels à répétition, peines de prison pour meurtre à l’âge de neuf ans, inhalation de drogues quotidiennes, la réalité dont a été témoin le photo-reporter est désarmante. De ce voyage initiatique est né Poussières de vie, sa plus récente exposition présentée à la TOHU.
Jeune finissant en arts décoratifs à Paris, avide d’aventure, Paul-Antoine Pichard décide de partir vers la Bosnie en 1995. Un tour du monde qui s’est échelonné sur plusieurs années et qui l’a mené vers l’Inde et Dakar, entre autres. De fil en aiguille, il témoigne via son objectif de la guerre qui sévit. Rapidement, le photographe constate le nombre effarant d’enfants gitans errant dans les rues de l’ex-Yougoslavie. De retour chez lui, il laisse le projet dormir. «Entre temps, je suis devenu papa, puis j’ai monté un projet sur les droits de l’enfance, la vie dans la rue et leurs conséquences, soit la prison, la toxicomanie, la prostitution et le travail des enfants», explique Paul-Antoine Pichard. Poussières de vie est resté sur les tablettes pendant un moment, pour faire place à Mines d’ordures, un projet entrepris au Sénégal sur les enfants vivant dans les décharges.
Des anecdotes, il en a à la pelletée; certaines plus troublante que d’autres. Un jour, alors qu’il photographiait des enfants dans une décharge à Madagascar, il apporte un sac de bonbons et tous les jeunes se jettent sur lui, se battant pour obtenir une friandise. «J’étais hyper mal à l’aise, je l’ai très mal vécu. Ça parait anecdotique, mais c’est quelque chose de très violent, se rappelle le photographe. Ces enfants m’ont surtout enrichi au niveau humain, c’est une véritable école de la vie.» Un travail, d’abord et avant tout, de proximité, de rencontres et de contacts. «Paul-Antoine se fie beaucoup à son instinct. Il est très spontané, et ne retouche pas la dure réalité de ce qu’il montre. Il possède également une grande volonté de partager et de faire valoir la réalité des autres», explique l’agente de programmation culturelle à la TOHU, Catherine Jobin.
De ces photographies résulte toutefois une prise de conscience. «Des rencontres bouleversantes d’humanité, sincères, pas calculées comme certains communicants politiques», lâche le photographe, ému. Ces enfants, avec qui il tente par tous les moyens de garder contact, lui ont apporté des valeurs humaines de compassion et d’altruisme, qu’il transmet aujourd’hui à sa propre fille. «Quand quelqu’un ne finissait pas son assiette chez moi ou au restaurant, je lui faisais la leçon. J’ai bien compris que ça ne servait à rien, qu’il valait mieux communiquer sur la richesse de nos déchets; le recyclage», laisse tomber le photographe.
À deux reprises, le globe-trotter de 43 ans rappelle qu’il n’a pas fait d’école de journalisme. Il se décrit comme un photographe humaniste, témoin et engagé envers des causes qu’il juge justes. «J’ai la liberté de l’auteur avec les contraintes du journaliste», ajoute le résident de la petite communauté de Cergy-Pontoise, en France. Pour ceux qui trouvent les photos trop dures, il leur répond simplement que lorsqu’il n’y a pas d’images, il n’y a pas de problèmes. Selon lui, les photographes qui couvrent des zones difficiles sont souvent victimes de jugement et d’incompréhensions. «Je suis photographe, pas médecin ou infirmier. À chacun son métier. On est tous un maillon et ensemble, nous formons une chaîne», estime le photographe.
Ultimement, Paul-Antoine Pichard souhaite, au travers de ses expositions, mobiliser les citoyens. «On peut arriver très haut dans nos pays en partant de très bas. Tout passe par l’éducation de nos enfants en leur donnant des valeurs humaines.»
Crédit photo: Paul-Antoine Pichard
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