La mise à jour informatique de l’UQAM ne se conclura pas par quelques clics. En effet, l’implantation d’un nouveau système de gestion engloutit le temps des employés et l’argent de l’Université.
L’Université du peuple a donné le coup d’envoi à la course à la technologie en 2006. Depuis, elle tente de mettre à jour son système informatique de gestion, mais l’avancée est chaotique. Un premier logiciel a été installé, mais étant désuet, il a entrainé la perte de plus de 5 M$. Un second a alors pris la relève, SIGA3. Son implantation, qui a connu des dépassements de délais et de coûts, sera terminée en juin 2012 et aura coûté plus de 11 M$. L’UQAM, qui croyait avoir enfilé les bonnes chaussures, a vu le processus se transformer en course à obstacles.
L’implantation de SIGA3 — un système intégré de gestion qui gère les volets administratifs, financiers, les ressources humaines et la recherche à l’UQAM — a débuté à la fin mars 2009. Son installation comportait trois étapes. La première consistait à installer les fonctions de base du logiciel. Cet échauffement a englouti à lui seul presque la totalité du budget attribué pour le projet. «On a eu des problèmes avec le remboursement des dépenses, parce que les employés fournissaient des rapports incomplets», explique Monique Goyette, vice-rectrice aux affaires administratives et financières de l’UQAM. Elle ajoute que plusieurs employés des services financiers sont parties, étant «écœurées» de l’instabilité qu’entraînait l’installation de nouveaux logiciels.
La deuxième étape de la course, visant à former le personnel, a elle aussi connu des rebondissements. Effectivement, peu d’employés étaient au rendez-vous. «Une autre vague de formations a dû être organisée, soit pour les gens qui commençaient à utiliser le logiciel et ne se rappelaient plus de ce qui avait été dit durant la formation, ou pour ceux qui n’étaient simplement pas venus», développe Richard Mannering, en ajoutant que les nombreux mouvements de personnel n’ont pas aidé la cause.
Malgré un début de parcours houleux, l’UQAM a décidé d’aller de l’avant avec une phase qui n’était pas prévue initialement: celle de la délocalisation. Elle consistait à intégrer au nouveau logiciel certaines fonctions qui n’étaient pas présentes dans l’ancien, pour rendre la gestion universitaire plus efficace et éliminer les erreurs possibles à faire durant une procédure. Par exemple, le personnel administratif peut maintenant faire les ajustements financiers directement via le logiciel. Du jamais vu à l’UQAM, selon Richard Manning. Aucun budget n’avait été prévu pour cette étape, par manque de fonds de la part de l’Université.
L’opération a toutefois frôlé la disqualification. À cause des retards, l’Université du peuple a dû allonger son partenariat avec le Centre de Services Communs de l’Université du Québec (CSCUQ), responsables de la formation des employés. En plus, la première phase ayant utilisé une bonne part du budget, il ne restait plus assez d’argent pour compléter la deuxième étape, et encore moins pour débuter la dernière. Un 2,7 M$ supplémentaire a donc été déboursé pour terminer le projet.
Origines de la saga
En 2006, l’UQAM concluait un contrat avec l’entreprise américaine Sungard HE pour qu’un logiciel informatique de gestion — Banner — soit installé dans l’institution. L’Université prévoyait investir 18 M$ dans le projet. Mais deux ans et plus de 5 M$ plus tard, des responsables de l’installation ont avoué à la vice-rectrice aux affaires administratives et financières de l’UQAM, Monique Goyette, que ce logiciel était périmé.
Le ministère de l’Éducation venait tout juste d’établir de nouvelles normes de comptabilité visant les institutions scolaires, et Banner ne pouvait pas y répondre seul. La vice-rectrice précise qu’«il aurait fallu le combiner à d’autre programmes» pour qu’il convienne aux règles gouvernementales.
Selon Monique Goyette, c’est le comité du précédent vice-recteur aux affaires administratives et financières de l’UQAM qui avait choisi le logiciel américain de la firme Sungard. Ce choix a, selon elle, ajouté un obstacle sur son parcours, qui en comportait déjà plusieurs. Elle explique que l’UQAM ne roulait pas sur l’or à son arrivée en poste, en mai 2006. «La marge de crédit de l’UQAM était à 250 M$ et les emprunts à 150 M$, en plus des coûts entraînés par l’Îlot voyageur. Ça n’allait pas bien du tout!»
Un directeur de projet, Richard Manning, avait alors été embauché. En plus, la vice-rectrice avait fait appel à la firme Waterhouse pour déterminer s’il serait plus économique de conserver Banner ou d’opter pour un nouveau logiciel. Waterhouse a conclu que l’UQAM paierait moins cher et serait un meilleur athlète en choisissant SIGA3.
Ce changement de cap a toutefois été couteux. Il restait 9 M$ dans les coffres réservés au projet Banner. Ce montant a été transféré pour développer SIGA3, puis, comme mentionné plus haut, une demande de 2,7 M$ supplémentaires a été faite. En additionnant les coûts entrainés par l’acquisition et l’installation de Banner et de SIGA3, on atteint les 20 M$.
Sprint final
La course technologique semble être sans fin. En plus de terminer le paiement de SIGA3 d’ici 2015, l’UQAM devra se doter d’un nouveau réseau informatique dès l’année prochaine, ce qui coûtera environ 12 M$, selon Monique Goyette. Pour supporter cette adaptation technologique coûteuse, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) a demandé au gouvernement, en décembre dernier, d’augmenter le fonds MAO-TIC — subvention attribuée aux universités pour le développement technologique — de 50 M$. Selon la vice-rectrice de l’UQAM, le montant de 2 M$ qui est attribué à son université ne convient plus. «C’est le même depuis 2004. Ce secteur-là est sous-financé», témoigne Monique Goyette. L’UQAM obtiendrait environ 10% de ces 50 M$. La demande sera maintenue jusqu’à ce que la CREPUQ obtienne une réponse.
D’ici là, l’Université du peuple espère franchir la ligne d’arrivée avec SIGA3 et croise les doigts pour qu’il ait demeure longtemps en tête de peloton.
Crédit photo: Andrey Ivanov
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