Aime (ou pas) ça

Ne pas parler de grève dans cette chronique serait manquer un moment crucial de l’actualité des deux dernières semaines. Les étudiants – pour ou contre la hausse, pour ou contre la grève – sont sous les feux de la rampe. Manchettes, unes des journaux, Tout le monde en parle… Quelle visibilité! C’est toutefois sur les réseaux sociaux que ce phénomène de lutte, de revendications, de protestations, pique ma curiosité.

La hausse des frais de scolarité au Québec est un sujet délicat qui ne date pas d’hier. En 1984, la facture étudiante connaît un bon de plus de 200% en seulement cinq ans, avant qu’un gel soit instauré en 1994. En 2005, le gouvernement libéral modifie le régime d’Aide financière aux études (AFE) et transforme 103 millions de dollars de bourses en prêts.

Première grève étudiante massive au Québec depuis 1996, avec une mobilisation historique d’un mois et demi: Québec cède et décide de réinvestir 482 millions en prêts de l’AFE sous forme de bourses.

Aujourd’hui, soit sept ans après cette victoire estudiantine, la tempête de 2005 vient tous nous hanter. Mais comment vivait-on la grève générale illimitée à cette époque-là? Pour ceux qui ne manifestaient pas dans la rue, je veux dire. Pour ceux qui profitaient de ces «vacances» pour accepter plus d’heures au travail ou qui s’envolaient pour la Floride une semaine ou deux pour décompresser? Aujourd’hui même lorsque vous êtes un étudiant qui ne prend pas la peine de manifester, vous suivez la grève instantanément.

Même si je ne suis pas nécessairement pour la grève, je me trouve emporté dans la tornade GGI, grâce aux réseaux sociaux. Présentement, je vis la grève via les plateformes Facebook et Twitter. Que je le veuille ou non, mon Fil de nouvelles regorge de statuts opiniâtres, de photos de mes amis habillés de la tête aux pieds en rouge, de memes caricaturant nos ministres et nos représentants étudiants (tant du côté pour et contre de la hausse), de vidéos de danse rythmée en plein cœur d’une manifestation… ou de jeunes cégépiens qui repoussent les autorités par des chants.

Sommes-nous rendus au point où les réseaux sociaux nous permettent de – virtuellement – participer à ces contestations, à part entière, sans même vouloir nécessairement le faire? De derrière mon ordinateur, je proteste. Je suis tenu informé des moindres détails du mouvement GGI. Être capable de retrouver sur Facebook les personnes qui ont décidé de prendre d’assaut le pont Jacques-Cartier et le vivre en direct, c’est quasiment faire partie du complot. Dorénavant, le nombre de sympathisants ne devrait pas se compter en terme de manifestants, mais en nombre de claviers.

C’est ce qui différencie cette grève de celle de 2005. Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec le printemps arabe, ce moment révolutionnaire hors du commun, initié par les jeunes et dont la réussite a dépendu entièrement des réseaux sociaux. D’ailleurs, les gouvernements égyptiens et syriens ont vite compris le message, en coupant l’accès à Twitter et à Facebook.

La grève de 2012, minimisée par un gouvernement habitué à paterner les jeunes, n’était-elle pas à considérer sous un œil averti au vu des derniers événements mondiaux? Le printemps frappe à nos portes. Personnellement ça m’inquiète.

Ewan Sauves
Chef de pupitre Société
societe.campus@uqam.ca

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