Même s’ils reçoivent depuis janvier une cotisation étudiante, les parents étudiants ne réussissent pas à transformer les promesses de la direction en argent sonnant et trébuchant pour une garderie répondant à leurs besoins. La masse invisible mais audible des parents étudiants craint que l’UQAM fasse la sourde oreille.
Dans le local attribué au troisième groupe d’envergure de l’UQAM, une poussette embarrasse tout l’espace disponible. Le petit Adam est adossé au classeur, un jouet en bouche. Une jeune maman allaite à côté d’une pile de manteaux. Bienvenue au Comité de soutien aux parents étudiants (CSPE). Coincées dans leur petit local, les militantes du groupe rêvent d’une grande garderie exclusivement réservée aux étudiants. Mais leur projet risque de ne jamais se matérialiser si l’UQAM refuse de participer financièrement au démarrage de la garderie.
Le CSPE doit déposer, avant le 24 février, sa candidature au gouvernement provincial pour obtenir des places subventionnées (à sept dollars). Le gouvernement a annoncé qu’il en octroierait une quantité limitée sur quatre ans. «La compétition sera féroce. Nous avons besoin que l’UQAM accepte d’être partenaire financier, un élément primordial dans l’évaluation des demandes, explique Julie Noël, chargée du projet garderie, bachelière en histoire et enceinte, à 26 ans, de son troisième enfant. Il s’agirait d’un service autonome, mais le comité dit avoir besoin de 800 000 $ pour aménager les installations au rez-de-chaussée du Pavillon V. Il espère que la moitié soit défrayée par l’Université.
Les membres des sept associations facultaires se sont prononcés, à l’automne dernier, en faveur d’une cotisation automatique non-obligatoire (CANO) de trois dollars pour venir en aide au CSPE, notamment dans le démarrage de la garderie. «La CANO pour le CSPE est passée à l’unanimité en assemblée générale. Les étudiants ont été clairement convaincus que ça valait le coup», raconte le coordonnateur général de l’Association facultaire de science politique et droit, Samuel Ragot.
L’UQAM s’est engagée à mettre de sa poche, mais sans donner d’intention précise. Les responsables du projet attendent ainsi depuis deux ans. Mais aujourd’hui, le temps presse. «On nous répondait toujours “on va attendre de voir si la CANO passe”», raconte Julie Noël. Sa comparse, Gabrielle Dumoulin, membre du conseil d’administration du CSPE, étudiante à la maîtrise en gestion et maman de Béatrice, 1 an, est sur ses gardes. «On craint que l’UQAM ne tienne pas ses promesses, profite de la manne d’argent qu’apporte la CANO et fasse tout payer aux étudiants», explique-t-elle. Or, en plus de compromettre l’obtention des subventions du Ministère, cela va à l’encontre de ce qui été voté en assemblées générales. «Les étudiants n’ont pas voté une CANO pour augmenter la valeur immobilière de l’UQAM», lance Julie Noël.
Un besoin criant
Selon ses instigatrices, le projet de garderie du CSPE répondrait aux besoins particuliers des parents étudiants parce qu’il comporterait une grande pouponnière et offrirait un service à temps partiel. «Chaque jour, nous vivons la pression des parents qui attendent la venue de ce service-là. Chaque semaine, je reçois des téléphones et des courriels d’étudiants; tous s’évertuent à trouver un service de garde», raconte Mylène Geoffroy, coordonnatrice du CSPE.
À l’UQAM, un étudiant sur cinq est parent, ce qui représente une communauté de 8000 personnes. Malgré l’affiliation de trois Centres de la petite enfance (CPE) à l’UQAM, le besoin criant en places de garderie persiste. «Quand j’ai appliqué au CPE de l’UQAM, je me suis fait découragée assez vite! Je suis 23e en liste d’attente. Donc je risque de finir mon bac avant d’avoir une place», raconte Jeneviève Dulude-Leblanc, étudiante à temps plein en gestion du tourisme et maman de Milan, 7 mois. Les trois CPE desservent aussi les employés de l’UQAM. En conséquence, quatre demandes sur cinq de parents étudiants se voient refusées, faute de place. Bien que près de la moitié des parents étudie à temps partiel, ces CPE offrent uniquement un service à temps plein. Un seul d’entre eux accueille des poupons – dix en tout et aucun en bas de 12 mois. «Il est temps d’agir», pense Caroline Désy, éditrice d’une recherche de l’Institut d’études féministes sur les parents étudiants de l’UQAM. «On possède les données qui justifient que certaines mesures doivent être mises en place dès maintenant».
L’UQAM ne nie d’ailleurs pas l’importance du projet. Dans une lettre adressée au Ministère de la Famille et des Aînés datant de 2010, les deux vice-rectrices, Diane Demers et Monique Goyette affirment qu’en plus d’avoir accepté de défrayer les honoraires d’un architecte afin de concevoir un plan d’aménagement et d’avoir inclus le projet à son plan immobilier, «la Direction s’est montrée favorable à soutenir financièrement le projet, et ce, dans les limites du raisonnable».
Mais, à l’approche de la date butoir, le financement se laisse désirer. Questionnés par Montréal Campus sur la participation financière de l’UQAM à l’aménagement de la garderie, les Services à la vie étudiante sont restés prudents. «Ce sujet fait l’objet de discussion avec le CSPE et nous ne pouvons pas nous avancer sur les résultats des discussions».
Le CSPE demande que l’UQAM finance la moitié des coûts d’aménagement; les étudiants et le Ministère financeraient le reste. «C’est une demande raisonnable puisque les trois autres CPE ont bénéficié du financement complet de l’aménagement en plus d’occuper gratuitement les locaux pendant de nombreuses années», estime Julie Noël, précisant que le CSPE paierait un loyer dès les débuts de l’occupation des locaux.
Pour Gabrielle Dumoulin, la participation de l’Université est essentielle. «Ce serait un message que l’UQAM enverrait, aux jeunes mères en leur disant qu’elles peuvent aller plus loin et devenir ce qu’elles ont envie de devenir. Qu’à l’UQAM, on va leur en donner les outils.»
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Favoriser la réussite
La Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) souligne dans son mémoire sur les étudiants parents que l’aménagement d’une garderie telle qu’imaginée par le CSPE est la «clé de voûte» de ses recommandations. La directrice des Services à la vie étudiante, Manon Vaillancourt, affirme que l’UQAM va «certainement» dans le même sens que la CREPUQ.
Crédit photo: Zoé Pouliot-Masse
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