Le 18 octobre dernier, le feuilleton de l’Îlot Voyageur a connu un nouveau rebondissement. La Société immobilière du Québec, propriétaire du bâtiment, et le Conseil du Trésor, chargé du devenir du site, ont décidé de placer une bâche autour des étages non finis. Une coquetterie à 60 889 $, passée quasi inaperçue dans les médias, mais qui ravira les citadins, lassés de la laideur de l’édifice. Une bâche qui sera mise en place début novembre et qui résonne comme autre chose. Berlin avait son mur, Montréal aura sa bâche.
La comparaison paraît extrême, mais la symbolique que revêtent ces deux évènements est la même: cacher une réalité vile et honteuse. Une réalité issue de la mégalomanie d’un homme corrompu, qui amena l’Université du peuple aux portes de la misère, et dont plus personne ne souhaite porter l’héritage. Aujourd’hui, on va draper un immeuble comme on a construit le mur, pour voiler la face à ce qui se passe de l’autre côté, pour se dire que notre monde est bien meilleur sans l’arrière-mur, où l’on ne sait rien de la vérité qui s’y opère. Un cache-misère aux relents de devoir de l’oubli, afin que personne n’aille le déterrer.
Car voilà tout l’enjeu de cette installation: faire oublier les turpitudes de ce béton désarmé par les scandales de sa fabrication. Une somme de 510 M$ transformée en un tas de fissures et abris à mouettes, qui jure avec l’architecture environnante, qui a fait mal à l’UQAM, qui a fait couler beaucoup d’encre et qui finalement est resté comme une plaie ouverte en plein cœur de la ville. Mais cette bâche teinte de briques rouges et de vitres opaques, calquée sur ce que le bâtiment aurait dû être une fois achevé, va être le pansement à la plaie, nous dit-on du côté du gouvernement et de son agence. Il ne faut pas se leurrer pour constater que cette opération va suspendre tout projet de développement.
La Société Immobilière du Québec a rendu un rapport en mai dernier au Conseil du Trésor sur les solutions possibles à la finition des travaux. Ce même Conseil devait annoncer en juin la voie choisie dans l’exploitation de la bâtisse, mais il a préféré décaler l’annonce pour l’automne, puis pour fin décembre. Avec une bâche censée durer trois années, ne nous dit-on pas tout simplement qu’il est plus simple de masquer l’horreur plutôt que décider comment occuper les lieux?
Sans compter que le bâtiment, au gré des saisons, est soumis à des conditions climatiques rudes. On s’entend que Montréal n’est pas le lieu de vacances préféré du béton. Elle l’est encore moins pour les ouvriers de la construction qui, depuis cet été, sont à l’œuvre pour finir la nouvelle station d’autocars de la ville. Dans ces travaux, il a fallu reconstruire le plancher en béton du rez-de-chaussée, une zone protégée des intempéries déjà en rénovation. Au total, huit millions de dollars sont déjà investis dans la finition de la gare. Mais pour le reste, il faut espérer que lorsque le sort de l’Îlot sera défini, il ne faudra pas tout reconstruire. Espérons alors que l’Îlot Voyageur connaîtra un autre destin que celui du mur de Berlin.
L’UQAM n’y pense plus
À l’autre bout de la rue, l’UQAM se laisse pousser des ailes depuis qu’elle a lâché le bâtiment au gouvernement. Dans ses états financiers 2010-2011, l’apport de 27 M$ a permi d’investir dans plusieurs programmes, alors qu’il était légitime de mettre cet argent dans la dette. En ces temps de rigueur économique, où l’objectif est de faire disparaître toutes les dettes, il faut reconnaître l’audace financière de l’Université qui mise sur le long terme plutôt que de succomber aux sirènes de l’austérité.
Arnaud Stopa
Chef de pupitre UQAM
Uqam.campus@uqam.ca
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