Qu’ont en commun les gâteaux industriels, les boissons énergisantes et la restauration rapide ? Ce sont tous des aliments considérés comme nocifs pour la santé qui dépendent des campagnes publicitaires afin d’attirer des consommateurs et des consommatrices.
Par Romy Clermont
« Si je vois une pub d’ailes de poulet à la télé, je vais avoir envie d’en manger. Si je vois une publicité de pizza, je vais m’en commander une », témoigne Samuel Létourneau, étudiant en éducation à l’Université de Montréal.
« Actuellement, les environnements alimentaires au Canada sont peu favorables à une saine alimentation. » C’est ce que conclut une analyse conduite par un groupe de 13 chercheurs et chercheuses de plusieurs universités canadiennes publiée le 13 février dernier.
Cette analyse confirme que la publicité entourant les aliments malsains, communément qualifiés de malbouffe, encourage les Canadien(ne)s à en consommer sur une base régulière.
« La publicité influence certainement les préférences et les choix alimentaires, ainsi que la qualité globale d’un régime alimentaire individuel », explique la professeure adjointe à l’École de nutrition de l’Université Laval et chercheuse principale de l’analyse, Lana Vanderlee.
Des publicités ciblées
La publicité faisant la promotion d’aliments nocifs pour la santé touche tous les groupes d’âge. « [Les compagnies alimentaires] vont viser les personnes plus âgées avec des questions de santé […], alors qu’elles vont viser les plus jeunes avec des messages de plaisir », souligne le professeur au Département de nutrition et de santé publique de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités en nutrition et santé, Malek Batal.
« C’est drôle, les compagnies de malbouffe sponsorisent souvent les sportifs. [La malbouffe] est tout le temps bien présentée à la télé »
Samuel Létourneau
Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur interdit la publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Cependant, beaucoup de compagnies alimentaires font la promotion de leurs produits sur les médias sociaux par l’entremise d’influenceurs et d’influenceuses.
M. Batal ajoute qu’il est difficile de s’assurer que la loi est bel et bien appliquée et de réguler ce type de contenu publicitaire, qui attire surtout les jeunes. Lana Vanderlee précise que « la publicité en ligne est ciblée à chaque individu. Elle est puissante et efficace ».
La publicité rappelle également aux gens le goût de leurs aliments préférés. « La pub va les convaincre d’aller manger leur hamburger ou leur pizza préférée », avance l’étudiant Samuel Létourneau.
Des impacts sur la santé
Lana Vanderlee explique qu’au Canada, les aliments riches en sodium, en sucre et en gras saturés sont généralement considérés comme malsains. La consommation régulière de malbouffe pendant l’enfance et l’adolescence a plusieurs effets nocifs à long terme sur la santé.
« Ces aliments ont une densité énergétique élevée, mais sont pauvres en nutriments », affirme la nutritionniste Jade Grenier-Roy. Un(e) enfant ou un(e) adolescent(e) qui mange souvent de la nourriture malsaine risque des carences alimentaires qui peuvent nuire à son développement physique.
La nutritionniste indique qu’il est difficile pour un(e) adulte de changer les habitudes alimentaires adoptées pendant son enfance. Selon Lana Vanderlee, la publicité de l’industrie alimentaire cible les jeunes afin de « créer une relation entre un produit et un individu qui peut durer toute une vie ».
Mme Grenier-Roy soutient qu’il est important de faire de la prévention dans les écoles afin d’instaurer de meilleures habitudes alimentaires chez les enfants et les adolescent(e)s, et d’ainsi limiter l’influence de la publicité promouvant la malbouffe.
Un enjeu social
La consommation régulière de nourriture malsaine n’est pas seulement un résultat de la publicité. Elle dépend aussi de certains facteurs socioéconomiques.
« Souvent, les gens vont trouver que les aliments de type fast-food sont moins chers », indique le professeur Malek Batal. Il ajoute que « certaines personnes ont des emplois qui les accaparent beaucoup ou ont plusieurs emplois. Faire à manger, c’est un investissement de temps. […] Ce n’est pas tout le monde qui a le luxe d’avoir du temps ».
Jade Grenier-Roy explique que, pour d’autres individus, c’est une question d’éducation. « Il y a des gens qui n’ont aucune idée de l’impact de l’alimentation sur la santé, qui ont grandi avec certaines habitudes alimentaires et qui ne savent pas que c’est quelque chose à changer. »
Lana Vanderlee pense que l’instauration de politiques sociales permettrait à un plus grand nombre de personnes d’adopter une alimentation saine. Des mesures comme une augmentation du salaire minimum ou une réduction du prix des loyers permettraient aux gens de « disposer de ressources financières plus importantes pour adopter des habitudes alimentaires plus saines ».
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