Itinérance, entre respect et insécurité

Entre la gestion de la cohabitation avec la population itinérante et l’insécurité étudiante, l’UQAM jongle pour préserver l’harmonie sur son campus, tout en adoptant une approche respectueuse des populations marginalisées. Leur travail ne satisfait pas tout le monde.

« J’ai dû changer de salle de bain, car il y avait un itinérant qui se droguait », raconte Benjamin Boudreau, étudiant en marketing. Selon lui, le Service de la prévention et de la sécurité (SPS) gère mal la cohabitation avec la population itinérante. « Ils ne font rien. »

Un matin, Juliette Léveillée se rend au J-M873, le local des médias étudiants de l’UQAM, qu’elle retrouve déverrouillé. Elle tombe sur une personne en situation d’itinérance couchée au sol, sur un matelas gonflable. 

L’étudiante en communication souligne que cette personne a été « super respectueuse » et s’est empressée de partir. « Je ne me suis vraiment pas sentie en danger », affirme Mme Léveillée, qui a tout de même rapporté l’incident à la sécurité.

Normand Larocque, directeur du SPS, insiste sur la rareté de ce genre de situation. « [Des personnes qui dorment dans les locaux], ça arrive, mais pas régulièrement », assure-t-il.

Marie-Ève Tolley-Guay, étudiante en droit, croise régulièrement des personnes en situation d’itinérance dans les toilettes du pavillon Thérèse-Casgrain (W), en train « de se changer ou se réchauffer parfois plusieurs en même temps ». À la suite de ces rencontres, elle s’est procuré une trousse de naloxone à la pharmacie, au cas où elle ferait face à une personne en surdose. « J’ai eu vraiment peur d’être confrontée à une situation où je devrais assister, impuissante, à ce genre de scène », dit-elle.

Depuis le 13 mars, la Société de transport de Montréal (STM) interdit le flânage dans le métro. Cette mesure pourrait engendrer un afflux de personnes en situation d’itinérance entre les murs de l’UQAM, selon Maria Nengeh Mensah, professeure en travail social à l’UQAM.

Une « cohabitation élargie »

En février dernier, la vice-rectrice associée à la relance du Quartier latin, Priscilla Ananian, a présenté sa « définition élargie » de la cohabitation. À son avis, il faudrait « prendre en considération tous les aspects de la cohabitation, [en] s’intéressant aux personnes en situation d’itinérance, [tout comme] à la perception des intervenants et des personnes qui ne sont pas itinérantes ».

Son plan est de « croiser des agents de sécurité avec des travailleurs sociaux et des intervenants psychosociaux », comme la Société de développement social (SDS), et de former les étudiant(e)s sur la question de l’itinérance. 

Présentement, les agent(e)s de sécurité de l’UQAM reçoivent une formation de trois heures sur la marche à suivre pour aborder les personnes en situation d’itinérance. Selon Normand Larocque, la SDS accompagne aussi les agent(e)s du SPS « deux à trois fois par semaine », pour assurer le bon déroulement des interventions. « Si on a vraiment des problèmes avec une personne marginalisée, on appelle [le SDS] », explique-t-il.

Attention à la stigmatisation

Selon Maria Nengeh Mensah, l’UQAM doit adopter une approche d’ouverture.

« Un campus, c’est fait pour flâner »

Maria Nengeh Mensah

La professeure trouve « inquiétant » que des étudiant(e)s de l’UQAM ne se sentent pas en sécurité auprès des personnes en situation d’itinérance. « Je pense que la première chose à faire en termes de sensibilisation, c’est comprendre que ce n’est pas à toi que l’itinérant en veut », avance-t-elle. 

Elle précise « qu’il faut aussi sensibiliser les personnes en situation de marginalité aux règles et conduites de base » des milieux publics, qui diffèrent de celles des organismes.

La question des toilettes 

À l’UQAM, seulement 5 % des toilettes du campus central voient leur accès limité par un lecteur de carte, explique Jenny Desrochers, porte-parole de l’UQAM. Ces derniers auraient été installés pour « répondre aux questions soulevées par les usagers en lien avec la propreté des lieux et leur sentiment de sécurité ». 

Depuis leur installation, il y a sept ans, les interventions des équipes d’entretien ménager et de plomberie « dues à des incidents et des dégâts qui se produisaient dans ces toilettes » ont chuté de plus de 80 %. 

Pour Mme Nengeh Mensah, il y a une incohérence dans cette démarche de fermeture face à l’insécurité. Elle remarque que d’un côté, il y aurait une volonté de la direction de faire de l’UQAM un endroit où l’on a envie de traîner, puis, de l’autre, il y a une tendance à tout fermer. 

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