Pro-Trump à l’UQAM« On est très pointés du doigt »

S’il existe deux mots qui s’opposent, ce sont sûrement « Trump » et « UQAM ». À travers une marée de mouvements de gauche, ces étudiant(e)s plaident le respect des opinions politiques de tous et de toutes. Certain(e)s expert(e)s se demandent où mettre la limite de ce qui est acceptable pour un(e) politicien(ne) dans notre démocratie.

« [Accepter de parler] m’a pris du courage, quand même », lance Eden Lefebvre-Girard, étudiante en études littéraires à l’UQAM et partisane de l’actuel président des États-Unis. Elle constate que de s’exposer comme adepte de Donald Trump à l’UQAM peut être angoissant. « On est très pointés du doigt », déplore-t-elle.

« [Les politiques de Trump] viennent plus me rejoindre que celles de la gauche », explique l’étudiante qui se décrit comme une conservatrice modérée.

Bien qu’elle admette que Trump est « rude » et qu’elle ne soit pas en accord avec toutes ses décisions, Eden le considère comme très efficace. Selon elle, il est important de « distinguer la personnalité du politicien [de] ses impacts », qu’elle voit comme positifs pour l’économie, les familles et les minorités. L’étudiante ajoute que « notre pays s’en va en pleine chute », comme les États-Unis avant Donald Trump.

« L’avenir semble bouché »

Ce constat pessimiste attire les gens vers Trump, selon la professeure de sociologie au cégep Garneau, Annie Cloutier. « Le contexte global, en ce moment, est très anxiogène. L’avenir semble bouché », poursuit Mme Cloutier. L’augmentation des inégalités économiques et sociales, les pénuries de logements, le climat et l’intelligence artificielle sont tous des exemples nommés par la professeure pour illustrer la situation actuelle.

Mme Cloutier ajoute que la montée des revendications des groupes minoritaires peut « perturber les personnes privilégiées ». En effet, la professeure indique que ces personnes peuvent avoir « peur de partager leurs privilèges » et sentent que les gains sociaux ont été faits à leur détriment.

De son côté, Eden Lefebvre-Girard exprime plutôt une perte d’écoute. « J’ai l’impression que, quand t’es blanc, hétérosexuel, que t’as eu des privilèges […] aujourd’hui, ton opinion ne compte plus. »

Et à l’UQAM?

Eden se rappelle une personne du corps enseignant qui avait appuyé les propos anti-Trump d’un étudiant. Ce dernier avait traité les partisan(e)s de Trump de « garbage ».

« Pourquoi? Ça ne devrait pas arriver », défend l’étudiante. Elle estime qu’un(e) professeur(e) a le droit à son opinion, mais devrait écouter tout le monde et favoriser un jugement critique. « La démocratie, c’est écouter autant d’un côté que de l’autre. »

Le professeur en sciences politiques à l’UQAM, Paul May, explique que « les différents courants de gauche sont davantage représentés [à l’UQAM] », mais également dans la majorité des universités occidentales.

Il rappelle que la polarisation dans les universités n’est pas un phénomène nouveau.

Il ajoute qu’il est impossible, selon lui, d’être neutre en enseignant. Mais il est « crucial de donner la parole à [nos opposant(e)s] et à leurs critiques, et de laisser les étudiants trancher en faveur de l’approche qu’ils préfèrent ».

Les prises de position de certain(e)s professeur(e)s peuvent s’expliquer par les tendances « fascistes » de Trump, selon Mme Cloutier. « On donnerait la place à quelque chose qui va à l’encontre de tout ce qu’on s’est donné comme principes sociaux. »

La professeure de sociologie soutient que, dans une société démocratique, certains discours peuvent être condamnés. « Le problème en ce moment, c’est où mettre la limite. »

Cette limite, elle est de plus en plus floue. La sociologue l’explique avec la « fenêtre d’Overton ». Décrite comme l’espace de discussion où sont situés les propos acceptables, cette fenêtre se déplacerait présentement vers la droite. L’idée de la neutralité est modifiée, rendant des propos avant considérés comme controversés, acceptables.

Apprendre à s’écouter

« Il n’y a pas de solution idéale pour favoriser le dialogue entre [les partisan(e)s de Trump] et ses contempteurs », explique Paul May. Des solutions idéales, non, mais plusieurs pistes existent.

« Les étudiants et étudiantes n’aiment pas qu’on leur dise ce qu’ils doivent penser », souligne M. May. À son avis, tenter de maintenir l’idée de neutralité du corps enseignant peut aider.

Lorsqu’une personne se sent respectée dans ses opinions, c’est plus facile de dialoguer par la suite, exprime Annie Cloutier. Elle ajoute qu’il ne faut pas entrer dans la discussion avec l’intention de convaincre l’autre, mais plutôt de le comprendre.

Dans tous les cas, Eden Lefebvre Girard espère qu’une ouverture idéologique sera possible. « J’ai appris à écouter [les adversaires de Trump], alors pourquoi, eux, ne m’écouteraient-ils pas? »

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