Faire les choses comme du monde

À la suite des échecs du tramway de Québec, du REM de l’Est, et des tergiversations dans les dossiers de Northvolt et du troisième lien, je me suis inquiété de notre capacité à réaliser de grands projets au Québec. 

François Legault partage aussi ces craintes. En février dernier, visiblement contrarié par la contestation populaire vis-à-vis le projet de méga-usine de Northvolt, le premier ministre du Québec a sommé les Québécois(e)s de « changer d’attitude ».

Selon le chef de la Coalition avenir Québec, les contestations autour de la filière batterie font peur aux investisseurs. Le premier ministre est allé jusqu’à affirmer qu’un projet de l’ampleur de la Baie-James ne pourrait jamais se réaliser aujourd’hui.

Grosso modo, selon notre gouvernement, les Québécois(e)s sont trop exigeant(e)s.

La déclaration de François Legault m’a fait douter de nous. Soyons honnêtes, aucun projet d’envergure ne peut être parfait. Est-ce que notre désir absolu de faire consensus nous condamne à l’immobilisme?

Il est vrai qu’à l’époque de la Révolution tranquille, les projets nécessitaient un peu moins de réflexion – disons-le ainsi. Il a suffi d’une « équipe du tonnerre », soit le gouvernement de Jean Lesage, pour que le Québec rattrape l’imposant retard qu’il avait accumulé en éducation, en santé et en infrastructures par rapport aux autres nations industrialisées.

Les gouvernements de Daniel Johnson (père), de Robert Bourassa et de René Lévesque ont poursuivi le travail. Le Québec est devenu, en l’espace d’un peu plus d’une décennie, l’une des nations les plus développées de la planète.

Bien sûr, il y a eu des dépassements de coûts et d’échéanciers et parfois des mauvais projets. Mais lorsqu’on dresse le portrait des réalisations de l’époque, la grande majorité est encore bénéfique, voire vitale à notre survie économique. Je peux donc comprendre François Legault de jalouser ces hommes politiques. Entre 1960 et 1980, le Québec a accompli davantage qu’au cours des 45 années suivantes.

Or, la manière de gouverner a changé. N’en déplaise à certain(e)s de nos élu(e)s, nous sommes à l’ère de l’acceptabilité sociale. 

« Ce que dit l’acceptabilité sociale comme grand principe, c’est de miser vraiment sur le dialogue. On n’a plus juste quelqu’un en haut qui va proposer un grand projet structurant. On est dans une ère de coconstruction », affirme Carol-Ann Rouillard, professeure adjointe en communication stratégique et politique à l’Université de Sherbrooke. 

À bien y penser, les concepts de coconstruction et d’acceptabilité sociale n’ont rien de bien malin. Après tout, à qui bénéficieront ces projets? À ceux et celles à qui reviendra la facture! Il est donc tout à fait sain qu’un gouvernement démocratique prenne en considération les préoccupations de la population et des spécialistes, ce qu’il tend malheureusement à éviter.

Prenons l’exemple de l’annonce de l’implantation de Northvolt à Saint-Basile-le-Grand. Nos gouvernements ont financé à hauteur de trois milliards de dollars un projet dont on ignore l’impact environnemental. De plus, on nous promet la création de 3000 emplois. Ça semble formidable!

Maintenant, où allons-nous loger les travailleurs et travailleuses? Quel sera l’impact de leur arrivée sur la circulation routière de la communauté? Si le gouvernement avait pris le temps de consulter, mais surtout de considérer les préoccupations de la population avant de lancer ce projet, le premier ministre n’aurait probablement pas à s’inquiéter de notre « attitude ».

Du côté de la Capitale-Nationale, les statistiques sont éloquentes : la population monte en flèche, le nombre de voitures sur les routes augmente et le système de transport collectif a atteint son niveau de saturation. Résultat : cette région a besoin de nouvelles infrastructures. Par infrastructures, personne n’avait en tête un tunnel à deux étages long de 10 km, ni même un « bitube » à autobus électriques.

Que ce soit à Saint-Basile ou à Limoilou, personne n’est contre les grands projets. Tout ce que demande la population, c’est que les choses soient faites comme du monde. 

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