Le Scaphandre, le Divan Orange, le Saint-Sulpice : de nombreux bars ont été forcés de fermer leurs portes dans les dernières années, et ce, même après les écueils de la pandémie. Entre inflation et plaintes de bruit, les temps sont durs pour la vie nocturne de Montréal.
De barman à propriétaire, Olivier Farley œuvre dans le milieu des bars depuis 30 ans. Aujourd’hui propriétaire du Bar Suzanne sur le Plateau-Mont-Royal, il explique que le plus grand défi des établissements en 2024 est de composer avec l’inflation qui touche tous les secteurs. « C’est problématique parce qu’on va arriver à une limite de ce que les gens sont prêts à payer », soutient-il.
Jade Hébert étudie à l’UQAM au Certificat en études critiques des sexualités. Pour elle, la vie nocturne est importante car elle permet de rassembler les gens. « Je voudrais des choses qui sont moins chères pour les jeunes, mais qui sont le fun et qui ne sont pas un club cheap : un entre-deux entre le Majestique et le Pow Pow », mentionne-t-elle.
Plaintes de bruit
Martin Chartrand, directeur des opérations à l’organisme MTL 24/24, cherche à assurer la pérennité de la vie nocturne montréalaise. Il explique que l’enjeu du bruit est majeur et urgent à régler. « Ce n’est pas normal qu’une seule personne ait la capacité de fermer un établissement dans lequel il y a des milliers de personnes qui passent tous les soirs », pense-t-il. Selon lui, la problématique doit être résolue par voie de réglementations.
Son propos rejoint celui de M. Farley, qui donne comme exemple le Belmont, un bar établi sur l’avenue du Mont-Royal depuis 1985, où un voisin a commencé à porter plainte pour bruit après avoir emménagé dans les condos construits à côté en 2005.
« Au sens de la réglementation, si tu viens t’installer sur le mur mitoyen d’un bar qui est là depuis 30 ans, c’est toi qui as gain de cause, pas de négociations. »
– Olivier Farley
« Plus jeune, j’habitais en dessous d’un restaurant, mais je suis quand même quelqu’un qui dort dur et qui comprend les choses, raconte Jade Hébert. Si tu décides d’avoir un appartement en haut d’un restaurant ou d’un bar, il faut que tu vives avec le bruit. »
La Ville change son fusil d’épaule
La Ville de Montréal a dévoilé sa nouvelle politique sur la vie nocturne à la fin janvier. Elle consiste entre autres à délimiter des « zones 24 heures » dans les quartiers centraux où les bars, les salles de spectacles et les discothèques pourraient ouvrir leurs portes toute la nuit. Peu de détails ont été apportés sur les conditions et les paramètres de ces mesures.
Jade Hébert juge la politique « un peu excessive ». Selon elle, les gens sont souvent satisfaits lorsque leur soirée se termine vers trois ou quatre heures du matin. « Je crois que j’ai intériorisé la culture montréalaise où tu soupes à six, tu sors à huit et t’es chez vous à trois », ajoute-t-elle.
Martin Chartrand mentionne que les conseils d’arrondissements devront à leur tour voter sur cette politique qui, selon lui, n’entrera pas en vigueur partout à Montréal. « C’est toujours à deux paliers et il y aura toujours certains élus dans les arrondissements qui ne seront pas d’accord », estime-t-il.
« Des bâtons dans les roues »
Olivier Farley est sceptique face à l’annonce de la nouvelle politique, arguant que l’administration de Valérie Plante est axée sur sa clientèle électorale, qu’il ne considère pas être les gens actifs dans la vie nocturne. D’après lui, les décisions de l’administration Plante concernant les secteurs commerciaux se font sans tenir compte des besoins des entreprises déjà établies. « Ce qu’elle a fait jusqu’à présent, c’est d’essayer de transformer des quartiers qui sont plutôt commerçants sans tenir compte de ce qui est déjà là. »
Il exprime une frustration à l’égard de la Ville qui,selon lui, fait tout pour « mettre des bâtons dans les roues » des propriétaires de bars. « Quand tu arrives à la Ville, si t’es propriétaire de bars ou de restaurants, t’es pas mal perçu comme un bandit. C’est l’attitude générale. »
Martin Chartrand dénonce également des préjugés. « La vie nocturne pour nous, c’est un moteur culturel important. Les artistes ont besoin d’avoir plus de lieux de diffusion », estime-t-il. Il croit aussi que les bars et les salles de spectacles peuvent être un vecteur de développement économique à ne pas sous-estimer.
Laisser un commentaire