Né parmi la minorité blanche et privilégiée de l’Afrique du Sud, Dan O’Meara a milité contre le « régime fasciste » de l’apartheid toute sa vie. Aujourd’hui professeur de science politique à l’UQAM, il transmet son bagage intellectuel à ses étudiant(e)s.
À peine âgé de sept ans, Dan O’Meara est frappé par une prise de conscience alors que lui et les enfants de sa domestique jouent au soccer. Ses amis jouent pieds nus et lui, avec des souliers à crampons. Il blesse un des jeunes par accident et est alors envahi par un sentiment de culpabilité. À la suite de l’incident, sa mère lui dit : « Je ne veux plus que tu joues avec ces enfants, parce que les voisins commencent à se plaindre. […] Dan, ce n’est pas moi la méchante, c’est ce pays. »
« Quelque chose en moi s’est rendu compte que ça allait croche », confie-t-il en entrevue avec le Montréal Campus.
Dès son jeune âge, Dan O’Meara comprend qu’il fait partie d’une minorité privilégiée au détriment d’une majorité opprimée. Cette réalité, c’est l’apartheid : un régime de ségrégation raciale et d’oppression sur les populations non européennes instauré par le gouvernement de l’Afrique du Sud en 1948.
« Il y avait deux ou trois domestiques dans chaque maison pendant mon enfance. Je n’ai jamais fait mon lit! Mon père n’a jamais cuisiné! Tout était fait pour nous! »
– Dan O’Meara
« Pour les Blancs, c’était vraiment formidable, si on était capable de fermer les yeux sur ces injustices », déplore-t-il.
L’éveil du militantisme
En 1967, à 19 ans, Dan O’Meara entre à l’université en science politique et études littéraires. À cette époque, en Afrique du Sud, toutes les formes de résistance à l’apartheid des dernières années sont effacées. Le Congrès national africain (ANC), une organisation antiapartheid, est considéré hors la loi et plusieurs de ses membres – dont Nelson Mandela – sont derrière les barreaux. « Les militants, blancs ou noirs, étaient tous morts en prison ou en exil », explique O’Meara.
Il n’a alors aucune connaissance de l’histoire de cette résistance, puisque le gouvernement exige la censure de toute information sur ces groupes militants. « Je me suis vite impliqué dans le mouvement étudiant de la résistance antiapartheid, tout part de là », souligne-t-il.
Les années 60 sont des années mouvementées chez les jeunes partout dans le monde et O’Meara y observe un « virage vers la gauche ». Toujours à 19 ans, il enseigne aux Noir(e)s de façon clandestine, puisqu’ils et elles n’ont pas accès à l’éducation. « Il y avait des gens dans la cinquantaine! » se souvient-il. « Leur soif d’apprendre, c’était quelque chose d’incroyable pour moi. »
Des rencontres marquantes
Dan O’Meara est marqué par plusieurs rencontres qui influencent sa façon de penser. Par exemple, dans un congrès national étudiant, il fait la connaissance de Steve Biko, le fondateur du mouvement de la conscience noire, un mouvement nationaliste noir qui lutte contre l’apartheid. Pendant leur échange, O’Meara lui fait part de son sentiment de culpabilité d’être Blanc et se souvient d’ailleurs très bien de la réponse de Biko : « Vous ne voulez plus être coupable? Faites quelque chose! » « C’était le début d’une critique de moi-même, de ma culture, de ma société et également de ma famille », constate O’Meara. Quelques années plus tard, Biko sera battu à mort par la police.
En 1972, Dan O’Meara est marqué par une rencontre avec Rick Turner, un philosophe marxiste et un grand ami de Steve Biko. « C’est lui qui a formé beaucoup de jeunes comme moi sur le courant marxiste », dit-il. Turner sera lui aussi assassiné six ans après.
Transmission de savoirs
Dan O’Meara termine ses études supérieures en Angleterre, où il découvre l’histoire du colonialisme et de la résistance de l’Afrique du Sud. « C’était comme si quelqu’un avait ouvert la lumière », se rappelle-t-il. Il enseigne ensuite en Tanzanie et poursuit ses études sur l’histoire de l’Afrique au Mozambique, pour finalement atterrir à Montréal en décembre 1985. Son militantisme antiapartheid continuera jusqu’à ce qu’il accepte une offre de professeur substitut à l’UQAM en 1988, où il enseigne toujours.
Simon Pariseau, étudiant en Communication, politique et société à l’UQAM, a suivi le cours Politique internationale de M. O’Meara. «Il a été professeur dans d’autres pays et il a étudié en Afrique du Sud pendant l’apartheid, donc il y a beaucoup de poids derrière ce qu’il dit », considère-t-il. L’étudiant mentionne également que les connaissances du professeur de certaines figures importantes rendent son enseignement plus humain, comme lorsqu’il parle de Steve Biko.
Aujourd’hui, lorsque le militant se fait questionner sur les raisons qui l’ont mené à joindre le combat contre le racisme, il renvoie la question suivante : « Pourquoi la quasi-totalité des Blancs ont-ils fermé les yeux pendant si longtemps aux crimes monstrueux de l’apartheid? »
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