D’une poignée de patates à un jardin

En plein cœur du Complexe des sciences de l’UQAM, sous une couche de neige, se trouvent des jardins qui regorgent de fruits, de légumes, de vivaces et d’herbes médicinales. Ce sont les jardins du CRAPAUD, le Collectif de Recherche en Aménagement Paysager et Agriculture Urbaine Durable, nés il y a 16 ans.

« On était un groupe d’étudiants qui souhaitaient se réapproprier les espaces extérieurs du campus des sciences», raconte Jean-Philippe Vermette, co-fondateur du CRAPAUD. En 2008, armé(e)s d’un sac de patates et d’une cuillère, mais sans l’autorisation de l’université, le groupe a aménagé la pelouse du campus pour planter « dans le tas », explique-t-il. Les plants et les jardins ont donc été créés une poignée de terre à la fois.

« Ainsi est né le CRAPAUD
D’un conte de fées en forme de flaque d’eau
Dans l’envie sincère et honnête de se réapproprier
De manière critique notre belle université
Par l’entretien et l’aménagement paysager » 

Cet extrait est tiré de la Fable du CRAPAUD, écrite par ses membres en 2008.

Contrer l’hégémonie de la pelouse  

Inspirée du mouvement politique Guerilla Gardening, cette action étudiante a pour but d’affronter « l’hégémonie de la pelouse ».   

Le Guerilla Gardening, ou guérilla jardinière, est un mouvement de jardinage politique où des personnes décident de se réapproprier un espace vert public pour y faire pousser des fleurs ou de la nourriture. Cet acte vise à protester contre les politiques d’aménagement des terres et à nourrir la communauté.  

« L’hégémonie de la pelouse », aussi appelée le syndrome de la pelouse américaine, est un concept très critiqué par le CRAPAUD, explique sa coordonnatrice Émilie Gagné. « Depuis assez longtemps, dans les aménagements paysagers conventionnels, surtout en banlieue, mais aussi en ville, on va installer du gazon absolument partout», dit-elle. L’UQAM ne fait pas exception à cette pratique.   

Selon elle, faire pousser de la pelouse en ville ne serait pas si pratique, contrairement à l’idée véhiculée par les compagnies d‘aménagement paysager.

« C’est une culture qui demande énormément d’intrants, notamment des engrais chimiques, potentiellement des herbicides, pour pouvoir maintenir un gazon homogène et uniforme, dépourvu de pissenlits. »

– Émilie Gagné

Le CRAPAUD souhaite repenser les aménagements paysagers dans le but d’y intégrer davantage d’espèces faisant partie de l’écosystème local.

L’écosystème uqamien 

Les plantes du CRAPAUD qui poussent en plein cœur du Complexe des sciences Pierre-Dansereau sont « la nourriture des pollinisateurs, des oiseaux et de tout le reste de la chaîne trophique qui dépend des plantes », souligne Émilie Gagné. Pour préserver cet écosystème, le collectif doit faire face à plusieurs défis liés à la localisation des jardins, au cœur du centre-ville.  

« Le campus de sciences est comme un petit îlot dans cette mer de béton et d’asphalte», affirme la coordonnatrice. Les grands corridors de vents qui tourbillonnent entre les immeubles et les températures élevées assèchent rapidement les sols. L’ombre des bâtiments et des arbres réduit aussi l’ensoleillement des potagers.   

C’est un grand terrain d’apprentissage pour les étudiant(e)s pour développer différentes techniques d’agriculture urbaine. 

Pour la première fois cette année, le CRAPAUD brave le froid et prolonge sa saison en hiver. Émilie Gagné s’en réjouit puisque, contrairement à l’été, les étudiant(e)s sont présent(e)s dans les espaces pendant la session pour en profiter.

Une toile de plastique résistante couvre les jardins de l’UQAM et crée un effet de serre en utilisant l’air comme couche isolante qui vient stabiliser la température à 0°C ou au-dessus.  


À droite, l’installation de la couche froide par le CRAPAUD réalisée en octobre et à gauche, l’état de la couche froide en janvier après réparations. 

« Il faut planter des légumes qui sont plus résistants au froid,  comme toute la famille des choux », développe Émilie Gagné.  

À l’heure actuelle, les choux tatsoi et le mizuna sont en dormance, mais ils recommenceront à pousser dès la mi-février, explique Émilie. Les radis, la salade et d’autres légumes pourront également être plantés dès que le sol sera réchauffé, vers la fin mars. 

Rencontrer le vivant

Un des rêves d’Émilie pour le CRAPAUD est que cette relation entre les jardins et la communauté grandisse et que nombreuses soient les personnes qui mettent les mains à la terre.

Selon elle, le jardinage est la clé pour entrer en relation avec le vivant et apprendre à le connaître. « Ça ouvre quelque chose de plus grand par rapport à notre relation à la nature en tant qu’individu, mais aussi collectivement, en tant que société. »

Mention photos : Florence Champagne-Hamel

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