Même si le baccalauréat en Informatique et génie logiciel de l’UQAM est encore aujourd’hui constitué à 78 % d’hommes, les étudiantes qui choisissent l’informatique sont unanimes : malgré les préjugés auxquels elles peuvent se buter, elles y ont leur place.
Elles étaient peu nombreuses dans les salles de classe de l’UQAM il y a dix ans et elles le sont encore aujourd’hui. Au baccalauréat en Informatique et génie logiciel, sur 793 étudiant(e)s inscrit(e)s à l’automne 2023, seulement 173 sont des femmes, comme quoi la parité est encore loin d’être acquise dans la sphère du numérique.
Le nombre de femmes qui complètent le programme est encore plus mince. À l’hiver 2023, seulement 21 étudiantes ont obtenu un diplôme, alors qu’elles étaient 119 au début de leur baccalauréat.
« Si, en première année, tu n’as jamais fait de programmation de ta vie, tu as un désavantage clair par rapport aux personnes, souvent des hommes, qui sont habituées à programmer depuis plusieurs années », explique Jessica Portillo, étudiante au baccalauréat en Informatique et génie logiciel. À son avis, l’aspect très pratique, qui est particulier au programme offert à l’UQAM, creuse davantage l’écart entre les étudiantes et leurs homologues masculins. « Les évaluations sont basées presque uniquement sur des travaux pratiques », indique-t-elle.
Sylvie Trudel est professeure au département d’informatique de l’UQAM depuis plus de 11 ans. Au cours de sa carrière, elle a constaté une augmentation assez faible du nombre de femmes dans les classes. « Même s’il y a un peu plus de filles, la différence [avec les années précédentes] n’est pas énorme », informe-t-elle.
Mme Trudel précise qu’il est faux de prétendre que les femmes ont toujours été les grandes absentes du domaine des technologies. Au début du XXe siècle, les premières personnes à faire de la programmation étaient presque uniquement des femmes. « Dans les débuts [de l’informatique], on associait la tâche de taper des lignes de code à la tâche de secrétaire, ce qui explique pourquoi il y avait autant de femmes », indique-t-elle. Plusieurs innovations et contributions majeures à l’industrie leur sont attribuables. La première publication d’un algorithme, la première conception d’un compilateur pour la programmation d’un langage ou encore la création du réseau Arpanet, l’un des ancêtres d’Internet, sont toutes des inventions réalisées par des femmes.
Un climat sexiste qui persiste
Même si les étudiantes décrivent un climat en classe généralement respectueux et inclusif, elles disent aussi vivre certaines interactions à l’extérieur des cours qu’elles qualifient de « limites » ou encore de « malaisantes ». « Se faire cruiser de façon insistante sans arrêt parce que tu es la seule fille, c’est un peu lourd », a confié au Montréal Campus Mylène* une étudiante au baccalauréat en Informatique et génie logiciel.
Aux CS Games 2023, une compétition interuniversitaire d’informatique, les étudiantes de l’équipe uqamienne ont pris l’initiative de se coordonner entre elles en portant des robes. En réponse, elles ont reçu des commentaires désobligeants de la part de leurs collègues masculins, principalement en ligne sur la plateforme Discord.
« C’étaient des commentaires comme “T’es pas mal tight dans ta robe” », se souvient Mylène*.
Elle se désole également de la persistance de remarques amères sur la facilité qu’ont les étudiantes à recevoir de l’aide comparativement aux garçons.
Sylvie Trudel, qui a travaillé pendant plusieurs années dans le milieu de l’informatique avant de faire le saut en enseignement, dénonce un manque de conciliation travail-famille en informatique qui affecte disproportionnellement les femmes. « Dans des milieux où on cherche encore à valoriser les heures supplémentaires, une femme qui a des enfants se retrouve dans une situation où elle a moins de promotions et d’augmentations », déclare-t-elle.
Un problème d’image?
Si les femmes sont encore sous-représentées dans le milieu de la technologie, c’est en partie à cause de stéréotypes tenaces à propos de l’informatique, selon Sylvie Trudel. « Si les gens connaissaient l’importance de l’aspect humain en informatique, il y aurait probablement plus de femmes qui s’orienteraient vers une carrière [dans le domaine] ». La professeure explique que, contrairement à la croyance populaire, l’aspect relationnel est important, et même primordial, afin de convertir les besoins des client(e)s en exigences logicielles.
Pour sa part, Gabrielle Rouillard, aussi étudiante au baccalauréat en Informatique et génie logiciel, dénonce une vision élitiste associée à l’informatique qui prétendrait que seul(e)s les plus doué(e)s seraient voué(e)s à réussir. « Le cliché que les gens en informatique sont socialement inadaptés ou qu’ils sont tout le temps devant leurs ordinateurs, c’est de moins en moins vrai », affirme-t-elle avec conviction. À son avis, l’instauration de cours de programmation dès le primaire ou le secondaire permettrait de rendre l’informatique plus accessible à tous et à toutes.
ElleCode, une initiative uqamienne
À l’UQAM, l’organisme ElleCode fait la promotion de la diversité de genre dans le domaine de l’informatique. « Beaucoup d’étudiantes au baccalauréat se sentent isolées. ElleCode contribue à créer un sentiment de communauté », explique Jessica Portillo, qui est aussi présidente d’ElleCode.
Les évènements Code & Chill, organisés une fois par mois par ElleCode, permettent aux adeptes de programmation de l’UQAM de se réunir à la fois pour faire des travaux et pour discuter. La musique lo-fi, l’ambiance décontractée ainsi que la pizza pour tous et toutes contribuent à attirer de plus en plus d’étudiant(e)s.
Gabrielle Rouillard préfère le programme d’informatique offert à l’UQAM aux autres programmes universitaires en informatique qu’elle a fréquentés. À son avis, ce sont les initiatives sociales de l’UQAM, comme ElleCode, qui font toute la différence. « Créer des communautés avec d’autres étudiants et étudiantes, ça nous aide aussi à réussir nos cours », dit-elle.
Jessica Portillo souligne une conscientisation de plus en plus présente chez ses collègues masculins face au déséquilibre homme-femme dans le domaine. « Aux évènements d’ElleCode, 50 % des participants sont des hommes. J’ai vraiment l’impression que de plus en plus de gars veulent aider et remarquent le manque de présence féminine », salue-t-elle. Dans la dernière année, l’organisme ElleCode a reçu une partie du budget de l’Association générale des étudiantes et étudiants en informatique, en plus d’avoir un droit de regard sur le choix des évènements de l’organisation afin d’intégrer davantage les étudiantes aux activités.
*L’anonymat a été accordé à cette personne, car elle craint des représailles.
Mention photo : Chloé Rondeau
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