L’hiver dernier, pour la première fois en 42 ans, l’état de la rivière L’Assomption a rendu impossible la pratique du patinage, de la motoneige et de la marche. Pour ce qui est des saisons de ski et de planche, elles sont allongées grâce à la neige artificielle, mais cette dernière cause des impacts néfastes au niveau de la pratique et de l’environnement.
« Les changements climatiques vont jouer sur la réduction du nombre de jours [où l’on peut patiner] », rapporte Pierre Corbin, président-fondateur et directeur des opérations chez Hydro Météo. Selon lui, les redoux durant la saison hivernale compromettent la création de glace depuis quelques années, ce qui peut raccourcir la saison de 15 à 20 jours. Avant cela, la saison commençait entre la fin de décembre et le début de janvier, tandis qu’aujourd’hui, elle commence plutôt à la mi-janvier, explique-t-il.
L’année dernière, la saison de patinage sur la rivière L’Assomption à Joliette a été annulée pour la première fois en 40 ans. En plus des activités de patinage, la pratique de la motoneige et de la marche étaient également proscrites. Le lac Rawdon et le lac des Français ont subi le même sort.
« C’est sûr que ça va affecter les gens, surtout ceux qui vont pratiquer leur sport quotidiennement », témoigne M. Corbin. Il explique que l’équipement de déneigement et d’arrosage n’a pas pu être déployé sur la rivière L’Assomption, puisque la glace n’était pas noire, donc elle n’était pas solide et praticable. C’est la quantité de neige excessive tombée l’hiver dernier qui n’a pas permis la formation de cette glace. C’était plutôt du frasil, soit une glace très friable, indique-t-il. Pour ce qui est de la saison de cette année, Hydro Météo ne peut toujours pas prédire si la glace sera accessible.
Les averses peuvent aussi rendre plus difficile la formation de glace noire. « La pluie entraîne une hausse du courant qui va alors éroder le couvert de glace par en dessous. Ça aussi, c’est une cause de dégradation de la glace qui devrait augmenter au cours des années », explique Simon Lavoie Lavallée, coordonnateur des opérations chez Hydro Météo.
Les impacts de la neige artificielle
La non-formation de glace sur les lacs et les rivières n’est pas la seule condition qui affecte les athlètes. La création de neige artificielle crée aussi quelques enjeux face à la performance des sportifs et des sportives. Celle-ci a également des impacts néfastes sur l’environnement.
Darren Donnelly, planchiste depuis sept ans, explique que la neige générée par les canons étant plus dure, il est difficile d’acquérir une couche égale sur toute la montagne, puisqu’elle doit être étendue manuellement. Selon lui, c’est un défi supplémentaire pour les athlètes, notamment ceux et celles qui pratiquent le ski ou la planche à neige.
« C’est une neige de moins bonne qualité, alors ça fait beaucoup plus de plaques de glace rapidement sur les pistes », mentionne Jérémy Ricard, skieur de fond compétitif depuis plus de 10 ans. Il explique que ces plaques de glace nuisent entre autres à l’adhérence des skis sur les pentes. « C’est plus compliqué de trouver la bonne cire », expose-t-il. Celle-ci crée une friction qui a un effet de statique, rendant les virages plus complexes.
« Ça donne une bonne base, ça va être solide, mais si tu tombes dessus, ça va être vraiment dur par terre », estime Darren Donnelly. Il ajoute que les blessures peuvent être plus fréquentes avec la neige artificielle. Une personne qui tombe sur de la neige poudreuse, qui est beaucoup plus légère, a moins de risques de se faire mal, complète-t-il.
Des enjeux environnementaux
Selon la Commission internationale pour la protection des Alpes (CIPRA), lorsque la neige artificielle fond, elle peut contaminer les eaux souterraines, provoquer de l’érosion, causer un engorgement du sol et occasionner des glissements de terrain.
Darren Donnelly, qui a complété son cours de sécurité en avalanches, affirme que sur les pistes, cette neige peut aussi en générer davantage. Ce phénomène est normalement causé par le mouvement des personnes qui descendent les pistes et les différentes couches de neige qui se forment les unes sur les autres. « Après ça, si la couche en dessous craque, tout ce qui est au-dessus va commencer à glisser et devenir une grosse avalanche », explique-t-il. Puisque la neige artificielle se transforme en glace dense plus rapidement, les avalanches sont plus récurrentes et plus importantes, ajoute-t-il.
« La neige artificielle, c’est un peu un cercle vicieux. Tu essaies d’avoir de la neige naturelle, mais ça limite tes chances d’en avoir un peu dans le futur [à cause des répercussions de la neige artificielle] », témoigne Jérémy Ricard. Selon lui, il est déjà possible de voir que les centres de ski ferment plus souvent une partie de leurs pistes pour pouvoir les entretenir, après de mauvaises températures. « Donc, si la météo n’est pas assez bonne et [que les centres de ski] ne sont pas capables d’avoir assez d’argent, ils vont devoir fermer », soutient Darren Donnelly.
« Dans un horizon de 10 ans, je vais me poser plus de questions, puis, dans 15, 20 ans, c’est sûr que ça va évoluer, on va toujours avoir des hivers, mais ils vont être modifiés », exprime Pierre Corbin. D’après lui, des alternatives devront être mises en place pour les sports hivernaux. Selon lui, il est possible que les citoyens et les citoyennes ne puissent plus pratiquer le patinage extérieur sur de la glace naturelle.
Mention photo : Élizabeth Martineau
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