S’inspirer des traditions autochtones au quotidien

Éviter le stress, améliorer la communication et réorienter l’approche d’aide psychologique; des concepts des cultures autochtones pourraient profiter à la société occidentale, selon ceux et celles qui les intègrent dans leur quotidien.

L’Occident a l’habitude de symboliser le destin par un parcours linéaire avec des objectifs précis, en passant par l’école, le travail et la retraite, indique Geneviève Hamel, enseignante et co-créatrice d’un cours sur les cultures autochtones au collège Lionel-Groulx.

La culture autochtone fait plutôt référence à des cercles consécutifs qui représentent différents chapitres de notre temps sur Terre.

Dans le roman Shuni, l’auteure innue Naomi Fontaine illustre le concept en racontant l’histoire de Jordan, un alcoolique qui s’est rétabli, mais qui a rechuté quelque temps plus tard. « Au fond, on se dit que s’il a réussi une fois, il le refera quand il sera prêt. La vie est un cercle. »

Le « Indian Time »

Cette manière de concevoir la vie influence aussi la gestion du temps. Chez les Autochtones, « tu fais ce que t’as à faire dans le bon temps, on appelle ça le Indian Time », illustre Eliane Grant, une jeune femme originaire de Waswanipi qui travaille pour le Gouvernement de la Nation Crie. Selon elle, « prendre le temps de vivre » permet d’éviter l’accumulation de stress et de diminuer les risques de dépression.

D’ailleurs, après avoir vécu éloignée de sa famille pendant quelques années, elle est retournée vivre au sein de sa communauté et a ressenti une baisse de stress dû à cette transition entre les deux modes de vie.

Ce souci de prendre son temps se reflète notamment dans les apprentissages. Eliane Grant, qui est aussi chargée de cours à l’Université du Québec en Abitibi- Témiscamingue (UQAT), explique que « l’échec est perçu différemment pour les Autochtones ». Les enfants apprennent « par expérience et par essai-erreur », et ce, autant à la maison qu’à l’école.

Pour Geneviève Hamel, « un échec, ça peut être un apprentissage en soi. C’est peut-être le début d’un changement, d’une remise en question ».

« L’échec est perçu différemment chez les autochtones. » – Eliane Grant, originaire de Waswanipi

L’aîné(e), qui est généralement chargé(e) de l’éducation des enfants par la transmission orale, « va s’adapter à chaque jeune, ce qui n’est pas le cas [chez les Occidentaux]. À l’école, il y a des niveaux d’apprentissages précis et si tu n’as pas appris ça, tu redoubles. Ce n’est pas adapté à chaque personne », dit-elle pour comparer le modèle d’éducation de sa communauté et celui mis en place par le système d’éducation de la province.

Se comprendre

La vision circulaire de la vie s’applique aussi au modèle de gestion de conflits, selon Geneviève Hamel. Celle-ci a participé à l’Atelier des couvertures du musée McCord Stewart, une activité qui réunissait Autochtones et allochtones dans un cercle de discussion pour comprendre les impacts de la colonisation.

« La parole va circuler tant et aussi longtemps qu’on en a besoin. On ne cherche pas juste une solution, on cherche un consensus. On va répéter le processus de parole jusqu’à tant que tout le monde soit d’accord et à l’aise avec la conclusion », décrit-elle. Mme Hamel croit que cette méthode de gestion des conflits est différente de celle utilisée chez les Occidentaux et qu’elle pourrait apporter des bienfaits à la société quant à la façon dont les gens communiquent.

Eliane Grant souligne également l’importance de prendre en considération l’environnement et le contexte des situations. « Il est difficile de dissocier les éléments qui se doivent d’être considérés comme un ensemble », indique-t-elle. Elle définit cette vision par l’idée que « le territoire [fait partie d’un] tout. L’équilibre est très important, tout est interrelié. » 

Considérer l’environnement comme un être pour mieux le comprendre pourrait améliorer la compréhension de chacun en société, d’après Geneviève Hamel. Elle explique que chez les allochtones, l’aide psychologique est centrée sur la personne concernée seulement, il n’y aura généralement que des échanges privés entre le patient et le thérapeute. « C’est très individualiste », ajoute-t-elle.

« Chez les Anishinaabe, on considère que la personne fait partie d’un tout qui inclut la famille et la communauté. Alors quand on va vouloir l’aider, on va inclure plus de monde que juste l’individu », explique-t-elle. C’est pourquoi les thérapeutes en milieux autochtones adoptent des approches différentes en incluant l’environnement du patient dans le processus de guérison.

Mention photo : Élizabeth Martineau

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