À 14 ans, j’étais fasciné par les récits de René Lévesque et d’Honoré Mercier. Mon voisin de casier à l’époque n’en avait que pour Logan Paul et Conor McGregor. Aussi différents que nous fussions, nous avions un point en commun : nous détestions les cours d’histoire. Et nous n’étions pas les seuls.
Mon professeur d’histoire du Québec au secondaire détestait aussi son cours. Monsieur Martin, comme nous l’appelions, était autant passionné par son métier que par l’histoire en général. Le problème n’était pas là. Le problème était le programme ministériel sur lequel devaient reposer ses cours.
Pendant toute une année scolaire, Monsieur Martin a répété en boucle, plusieurs fois par jour, un ramassis de dates et d’événements banals. Par exemple, combien de temps avons-nous pris pour traiter de fond en comble de la traite des fourrures ? Beaucoup trop. Surtout lorsque l’on prend en considération que le cours sur la rébellion des Patriotes a duré seulement un après-midi et qu’on a à peine mentionné l’existence de Louis Riel et des suffragettes.
Monsieur Martin n’est pas le seul à être exaspéré par l’ennuyeux programme d’histoire du Québec. De nombreux enseignants et enseignantes en histoire, chercheurs, chercheuses, historiens et historiennes réuni(e)s au sein de la Coalition pour l’histoire du Québec tentent d’interpeller le ministère de l’Éducation sur l’importance de revoir la manière dont cette matière est enseignée.
Membre fondateur de la Coalition pour l’histoire et enseignant d’histoire au cégep du Vieux Montréal depuis près de 35 ans, Gilles Laporte dresse un portait sans équivoque de l’état de l’enseignement de l’histoire au Québec. « Les jeunes qui [débutent le cégep] ont moins de connaissances générales en histoire qu’au début de ma carrière. [Les étudiants et étudiantes] n’aiment plus ce cours-là et on ne sait pas comment l’enseigner », dit-il.
Mais comment le peuple qui « se souvient » en est-il arrivé là ? Selon M. Laporte, le déclin de l’enseignement de l’histoire du Québec s’est entamé au cours des années 1990, et plus précisément en 1994, lorsque le gouvernement du Québec a mis en place la réforme Chagnon.
Nous n’entrerons pas dans les nombreux détails entourant cette réforme, mais c’est cette dernière qui a fait apparaître dans nos écoles le concept de l’approche par compétence. « Ce n’est plus l’histoire que l’on doit enseigner, mais comment [les étudiants et étudiantes] peuvent faire de l’histoire par eux-mêmes », résume M. Laporte, par rapport à l’application de cette stratégie pédagogique.
La réforme Chagnon a signé l’arrêt de mort du récit historique, un concept que Gilles Laporte résume comme « une épopée dans laquelle l’élève était invité à s’inscrire ». Cette manière d’enseigner donnait à l’histoire du Québec un aspect humain auquel pouvait s’identifier l’élève. Or, les futur(e)s enseignants et enseignantes n’apprennent plus cette manière d’enseigner.
« On s’est mis à former essentiellement des techniciens pour enseigner selon l’approche par compétence », déplore celui qui a été chargé de cours au Département d’histoire de l’UQAM. Ce dernier affirme que le baccalauréat en enseignement au secondaire se résume aujourd’hui à quatre ans d’apprentissage de « la bureaucratie ministérielle » et de la didactique.
Entre deux cours de didactique, quelle est la place réservée à l’histoire du Québec pour nos futurs enseignants et enseignantes ? Deux cours, soit 90 petites heures sur une formation qui en compte près de 1800 !
En plus de l’état lamentable dans lequel nos écoles se retrouvent présentement, des étudiants et des étudiantes au baccalauréat en enseignement de l’histoire du Québec au secondaire m’ont confié qu’ils et elles ne se sentent pas suffisamment outillé(e)s pour donner ce cours.
Bref, la situation est alarmante. Un peuple qui connaît son histoire peut apprendre des leçons du passé et ainsi mieux forger son avenir. Si la tendance se maintient, les prochaines générations de Québécois et de Québécoises ne forgeront pas grand chose. Une réforme s’impose pour redonner du sens aux cours d’histoire. Ça urge.
Mention illustration : Chloé Rondeau
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