Les séquelles du quatrième art

Les conséquences physiques et psychologiques causées par la pratique intensive d’un instrument font partie intégrante de la vie des musiciens et des musiciennes. La recherche de la perfection et l’anxiété de performance représentent les principales causes de ces blessures.

« Si tu révèles au grand jour que tu es une personne qui a des blessures, c’est comme une faiblesse et ça peut être dangereux professionnellement », déplore Marie-Soleil Fortier, enseignante spécialiste en musique au Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île, qui explique que la constante compétition dans le domaine musical peut pousser les artistes à cacher leurs blessures.

Des tendinites, de l’arthrose ou même des soucis névralgiques peuvent se développer chez les musiciens et les musiciennes qui pratiquent intensément plusieurs heures par jour.

D’après Marie-Soleil Fortier, le stress généré chez les musiciens et les musiciennes est intimement lié à des conséquences physiques. « Quand tu as des tensions psychologiques, ça va se transmettre et ça va créer des tensions musculaires », expose-t-elle.

Près du trois quarts de ces artistes se blesseront au courant de leur carrière, d’après une recherche de la Fédération des kinésiologues du Québec.

« Même si j’ai la meilleure posture du monde, si je n’apprends pas à limiter ces réflexes de tension, ça va me créer des problèmes physiologiques éventuellement, en plus de l’anxiété de performance », continue l’enseignante.

Les musiciens et musiciennes notoires n’échappent pas à la règle. Le pianiste Lang Lang a souffert d’une inflammation dans son bras gauche qui l’a contraint à annuler une série de concerts. Le pianiste Gary Graffman, concertiste de renom, a dû quant à lui abandonner sa carrière à la suite de l’aggravation d’une entorse d’un doigt de la main droite.

Prévenir et guérir

Marie-Josée Cloutier, professeure de piano depuis plus de 20 ans, explique que le stress représente l’un des facteurs premiers à la formation de blessures chez ceux et celles qui pratiquent la musique. Pour pallier ces séquelles, une respiration contrôlée pendant la pratique et la performance est primordiale afin de rester calme. Une préparation minutieuse avant une prestation est également importante.

Des services spécialisés comme de la physiothérapie et de l’ostéopathie sont mis au service des musiciens et des musiciennes. Ils permettent d’analyser la posture, la surutilisation de certains muscles ou de restaurer la mémoire de mouvements imparfaits ancrés dans les habitudes d’un ou d’une artiste.

Le cours Musique et santé corporelle est également offert aux étudiants et étudiantes de la Faculté de musique de l’Université de Montréal pour transmettre de bonnes habitudes à ces jeunes artistes. « On essaie de sensibiliser les étudiants dès leur formation », exprime Marie-Soleil Fortier. « [Ce serait nécessaire de détenir le même budget que] les équipes sportives pour que les musiciens performent comme les sportifs, autant sur le plan physique que mental. Mais malheureusement, il n’y a pas ce genre d’argent dans ce milieu », poursuit-elle.

Santé mentale négligée

Romane Fortier, ancienne étudiante au Conservatoire de musique de Montréal en clarinette, indique que l’enseignement du réseau des conservatoires est compétitif.

« Tu es tout le temps comparé aux autres, tu veux tout le temps être mieux que les autres, parce que c’est la seule façon d’avoir des bonnes notes au Conservatoire », énonce celle qui est maintenant inscrite en Histoire et civilisation au cégep du Vieux Montréal.

Dès la fin d’un examen ou d’un récital, Romane Fortier explique que son soulagement se transformait rapidement en angoisse pour sa prochaine performance. « Jouer de la clarinette devenait un stress et une appréhension, parce que je savais que j’avais certains objectifs et que si je ne les atteignais pas, j’allais être déçue et encore plus stressée », continue-t-elle.

L’étudiante a considérablement diminué la pratique de son instrument depuis qu’elle n’étudie plus au Conservatoire. « Je pense que ça va me prendre du temps à me dire que je peux jouer un 15 minutes », dit l’étudiante. « J’ai de la misère à recommencer. »

D’après Marie-Josée Cloutier, la musique ne doit pourtant pas s’éloigner de son concept initial, celui du plaisir. « La recherche de l’expression musicale doit prévaloir sur la recherche de la perfection technique. Il faut s’amuser, c’est un moment de partage. »

Mention photo : Élizabeth Martineau

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