Une loi contre les influenceurs et influenceuses ?

L’Assemblée nationale française a adopté le 9 juin dernier un projet de loi visant à contrecarrer les mauvaises pratiques liées au marketing de l’influence. Puisque ce phénomène est très présent au Québec également, cette décision de la France amène les experts et les expertes à se demander si une législation similaire serait nécessaire ici.

Selon le projet de loi français, les influenceurs et influenceuses représentent : « [Toutes] personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque […] »

Les récentes statistiques démontrent qu’ils et elles sont près de 150 000 Français et Françaises à exercer ce métier récent. Bien que ce ne soit pas l’idée générale de la promotion qui pose problème, ce sont plutôt les mauvaises pratiques associées à ce marketing qui sont remises en question.

Le youtubeur français Sam Zirah est l’un de ceux et celles qui s’intéressent depuis quelques années à l’univers de l’influence. Selon celui qui cumule plus d’un million d’abonné(e)s, nombreuses sont les publicités moralement inacceptables sur les réseaux sociaux. Lors d’une entrevue accordée à Radio-Canada, ce dernier soulevait l’exemple des injections illégales, dont plusieurs influenceurs et influenceuses font la promotion alors qu’ils et elles ne sont pas médecins. 

De plus, l’article 4 du projet de loi français prohibe formellement tout acte, technique ou méthode à visée esthétique. Il interdit également de promouvoir l’utilisation de produits à base de nicotine ou encore des services financiers.

En regard à l’article 5, toute promotion doit être suivie de la mention « Publicité » ou « Collaboration commerciale ». Le cas échéant, la publication promotionnelle est considérée comme trompeuse. Il en vaut de même pour toutes publications modifiées qui ne sont pas accompagnées par la mention « images retouchées ».

Qu’en est-il au Canada ?

Si le Canada n’a pas de projet de loi similaire en vigueur, la Loi sur la concurrence établit déjà certains cadres à suivre en ce qui à trait au marketing d’influence.

À titre d’exemple, les influenceurs et les influenceuses ont l’obligation de divulguer la nature de leur relation avec une entreprise ou un produit qu’ils promeuvent. Ils doivent aussi s’assurer de baser leurs évaluations et leurs témoignages sur leurs propres expériences pour permettre une divulgation « juste, appropriée et opportune », rapporte la loi canadienne. 

Le Code canadien des normes de la publicité établit également certaines normes d’acceptabilité pour toute publicité. Selon le Code, il est interdit de laisser croire à sa communauté qu’un produit est disponible sur le territoire canadien alors qu’il ne l’est pas, de déformer des déclarations émises par des spécialistes ou des scientifiques de renom et d’inciter à la discrimination ou à la violence.

« Quand vous êtes informés d’une actualité par un influenceur, une influenceuse, il faut que [ces derniers] comprennent qu’[ils] ont les mêmes responsabilités qu’un média », souligne Camille Alloing, professeur à l’UQAM au département de communication sociale et publique. Cependant, le professeur ajoute qu’il est également nécessaire que le gouvernement considère les influenceurs et les influenceuses comme de véritables travailleurs et travailleuses, ce qui n’est pas le cas actuellement. 

Qu’en pensent les gens du milieu ?

D’après la journaliste Élisa Cloutier, il n’y a pas lieu de proposer une telle législation au Québec, du moins pour l’instant. Dans le cadre de l’un de ses articles, cette dernière a échangé avec 14 influenceurs et influenceuses, et amène un regard différent sur cette question : « Ce que j’ai compris au terme de mes entrevues, [c’est] que les influenceurs québécois se [soumettent déjà] totalement [aux règles]. »

« Moi, si je parle d’un produit, je vais l’essayer avant et je vais donner mon opinion [ensuite] », relate un acteur du milieu qui préfère conserver l’anonymat. « [C’est] une affaire de bonne conscience. J’ai des amis qui se sont fait aborder [pour promouvoir certains produits] et qui ont demandé d’être payé plus », précise ce dernier.

Bien qu’en accord avec l’idée d’un projet de loi similaire, l’influenceur apporte une nuance. Selon lui, l’avis du milieu doit être considéré. « [Ils] doivent expliquer leur réalité. Les gens qui prennent la décision ne sont pas influenceurs, ne sont pas dans le métier », explique-t-il.

« Ici, le marché de l’influence est petit, avec très peu d’acteurs et d’agences de relations publiques, et donc ça ne serait pas compliqué en soit à réguler », affirme M. Alloing. Or, pour le professeur, « amener les acteurs et les actrices de ce milieu-là à se mobiliser et [à] dialoguer avec le gouvernement » reste l’unique moyen de mettre en place des règles qui seront partagées par tous et toutes.

Mention illustration : Élizabeth Martineau

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