Pas de salle de prière à l’UQAM

Devrait-il y avoir une salle dédiée à la pratique religieuse sur le campus de l’université ? Une discussion délicate qui ne date pas d’hier et qui suscite des différends entre les services à la vie étudiante (SVE) et l’Association des Étudiants Musulmans de l’UQAM (AEMUQAM).

« J’ai vu que la bibliothèque était vraiment tranquille et je me suis trouvé un petit coin au fond d’une allée pour prier, mais je sentais un petit stress. Si un autre étudiant me voit, est-ce que ça va le choquer ? », souligne Audrey Levesque, étudiante musulmane en sciences à l’UQAM. 

Mise à la disposition des étudiants et des étudiantes dans un bon nombre d’établissements québécois d’enseignement supérieur, tels que les universités Concordia et McGill, la salle de prière, ou salle multiconfessionnelle, est un lieu de recueillement pour les étudiants et les étudiantes pratiquant(e)s. Le président de l’AEMUQAM, Aymen Benalia, affirme que 45 % de leurs messages reçus sur Instagram sont des demandes concernant les lieux de prières à l’UQAM.

Le 28 septembre dernier, l’AEMUQAM discutait à nouveau de cet enjeu avec les services à la vie étudiante. En entrevue avec le Montréal Campus, le président de l’association partage ses impressions de cette rencontre : « Ils nous ont dit qu’il y a un lieu de culte pour chacune des cinq grandes religions à moins de 10 minutes de l’UQAM, donc c’est l’une des raisons pour lesquelles ils ne voient pas l’importance d’avoir un lieu de recueillement dans nos pavillons ». 

Des accommodements raisonnables ?

Maryse Potvin est sociologue, professeure titulaire au Département d’éducation de l’UQAM et cotitulaire de la Chaire de recherche France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression. En entrevue avec le Montréal Campus, elle explique que « les universités peuvent accommoder des personnes pour des raisons diverses afin qu’il n’y ait pas de discrimination. C’est ce qu’on appelle l’accommodement raisonnable pour des raisons religieuses, mais aussi pour des handicaps. »

Un refus survient lorsqu’une contrainte excessive rend l’accommodement difficile à mettre en place. « Ça peut être en termes de coûts, par exemple, s’il faut construire ou engager du personnel, en termes de sécurité du public et de la personne ou bien de violation des droits d’autrui », spécifie Mme Potvin.

À son avis, le problème que rencontre l’UQAM est lié à la gestion des salles de classe où se tiennent des cours, des réunions, des activités et des colloques. « Si l’université n’a pas de contrainte excessive par rapport aux locaux, il n’y a pas de raison d’exclure la possibilité qu’il y ait des salles ou des parties de salles, séparées par des panneaux, par exemple, offertes aux personnes qui prient », ajoute la professeure. 

Une décision déplorée par des étudiant(e)s

Questionnée par le Montréal Campus à ce sujet, Jenny Desrochers, la directrice des relations de presse de l’UQAM, invite les étudiants et les étudiantes à se rendre aux différents lieux de culte autour de l’université pour leurs pratiques religieuses respectives.

Audrey Levesque souligne que la mosquée la plus proche est à une distance de marche d’environ cinq minutes de l’université. « Parfois, on n’a pas envie de sortir de l’UQAM, on est débordés, on a des cours qui se succèdent », raconte-t-elle. Elle ajoute que plusieurs mosquées sont fermées en dehors des heures de prière de groupe, ce qui offre peu de flexibilité aux étudiants et étudiantes.

Yasmine El Majzoub, étudiante libanaise résidant à Montréal depuis août, mentionne qu’elle n’a pas encore eu la chance de se rendre aux mosquées aux abords de l’UQAM, et ce, par manque de temps. « Lorsque je suis en classe, j’ai besoin de sortir aux toilettes, de faire ma prière en plus de revenir en classe. C’est un grand trajet », indique la nouvelle étudiante.

Elle mentionne qu’un local calme et à l’écart, un accès à un évier pour se laver les mains, ainsi qu’un sol propre sont les éléments nécessaires à une salle de prière. Un petit matelas ou un tapis de prière amené de la maison peut également être utilisé si le sol est malpropre.

Les étudiants et les étudiantes souhaitant prier sur le campus ont la possibilité de le faire dans un local vide. « On peut y entrer, fermer la porte, prier, puis ressortir », explique Aymen Benalia, le président de l’association. L’UQAM rappelle toutefois qu’« un local vacant dans l’UQAM ne représente pas un lieu dédié à la prière ». Selon l’étudiant, cette solution ne prend toutefois pas en compte le stress et la gêne que certain(e)s ressentent à l’idée de se faire surprendre par leurs pair(e)s.

« [La question de la salle de prière] a d’ailleurs été clarifiée en comité à la vie étudiante », rappelle Jenny Desrochers, sans spécifier si des demandes au même sujet pourraient éventuellement être octroyées.

Mention photo : Jacob Bernier

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