Vouloir changer le monde un(e) passant(e) à la fois 

La sollicitation en public est une stratégie de marketing qui peut s’avérer aussi bénéfique que nuisible à l’organisation qui la pratique. Les mesures sanitaires ont remis en cause la pertinence de cette forme de publicité. Regard sur cette pratique mal-aimée.

« C’est une action extraordinaire pour une organisation afin de s’illustrer parmi l’abondance de publicités auxquelles nous sommes collectivement soumis », lance d’emblée Marc-Antoine Vachon, professeur de marketing à l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Étant la station de métro la plus fréquentée du réseau montréalais, Berri-UQAM est quotidiennement occupée par des organisations étudiantes ou caritatives qui souhaitent solliciter l’attention des passants et des passantes.

Le professeur estime que la pandémie a transformé les méthodes de sollicitation. « Les gens sont plus intolérants à être dérangés, touchés et bousculés. […] Notre préoccupation par rapport à l’aspect sanitaire fait en sorte que le tract, outil de prédilection de la sollicitation en public, n’est presque plus utilisé de nos jours », déclare M. Vachon.

Il ajoute que ce genre de sollicitation ne produit pas toujours les résultats escomptés. « Comme c’est fait de façon inusitée, la réaction [de la personne interpellée peut être] négative, car on vient la déranger », soutient M. Vachon. Le professeur de marketing ajoute qu’une très faible proportion de personnes sont enclines à tendre l’oreille lorsqu’elles sont sollicitées en public.

Rétis, agent de sensibilisation à l’UNICEF depuis deux mois, abonde dans le même sens. Il ne s’en cache pas : la journée typique de l’agent de sensibilisation est souvent marquée par l’ennui, voire la frustration. « Les gens sont pressés. Ils sont peu nombreux à être réellement réactifs à notre message », affirme Rétis, qui estime être « chanceux » s’il parvient à attirer l’attention d’une dizaine de personnes au cours d’une journée de travail à la station Berri-UQAM.

La carte cachée des associations étudiantes

Des milliers d’étudiants et d’étudiantes transitent quotidiennement par l’agora du pavillon Judith-Jasmin. Au cours de la rentrée d’hiver 2023, des associations étudiantes telles que l’Association des étudiants africains (ASEAUQAM) et celle des étudiants musulmans de l’UQAM (AEMUQAM) ont occupé les lieux pour tenter de se faire connaître davantage auprès de la communauté étudiante.

« Beaucoup d’étudiants ont appris notre existence. Pour eux, c’était important d’apprendre que notre association existait et qu’on est là pour aider [les étudiants africains] dans cette transition qui n’est pas toujours facile », affirme Racha Badreddine, vice-présidente de l’ASEAUQAM. L’association propose des outils et des activités pour favoriser l’intégration des membres de la communauté étudiante d’origine africaine.

Imad, étudiant à la maîtrise en finance appliquée à l’ESG de l’UQAM et bénévole pour l’AEMUQAM, estime qu’après une importante baisse de la mobilisation causée par la pandémie de COVID-19, l’association devait se rapprocher de la communauté étudiante. « On est ici [au pavillon Judith-Jasmin] pour dire aux étudiants musulmans et non-musulmans que nous sommes là, que nous existons », argue-t-il.

Imad et Racha avancent que la sollicitation en public est complémentaire à celle que les associations étudiantes font sur les réseaux sociaux. « [L’agora du pavillon Judith-Jasmin] est un lieu formidable pour avoir de la visibilité. Ça nous permet d’aller chercher une clientèle différente de celle sur les réseaux sociaux », défend le bénévole de l’AEMUQAM.

L’impact positif de la sollicitation

Selon Marc-Antoine Vachon, bien que les bénéfices de la sollicitation en public soient marginaux, cette pratique marketing peut amener des retombées positives pour les groupes caritatifs. « Cette pratique continue d’être peu appréciée. Les gens sont plus réceptifs envers cette approche quand elle est faite par une organisation caritative. Une entreprise de télécommunication qui ferait de la sollicitation en public n’aurait pas le même succès », illustre le professeur.

Racha estime que la présence de son association au pavillon Judith-Jasmin lors de la rentrée d’hiver 2023 a eu un impact positif sur son organisation. « Plusieurs étudiants désirent maintenant s’impliquer », se réjouit-elle.

L’Association des étudiants musulmans de l’université fait le même constat. « Nous avons eu plusieurs interactions avec des étudiants de toutes les origines et qui, à la suite de notre discussion, furent intéressés de s’impliquer », souligne Imad. Ce dernier ajoute que la présence de l’association dans un lieu public permet des échanges constructifs entre l’AEMUQAM et la communauté étudiante.

De son côté, Rétis affirme que malgré le faible nombre de passants et de passantes qui échangent avec lui au cours d’une journée, ceux et celles qui prennent le temps de s’arrêter sont très réceptifs et réceptives au message de l’UNICEF. « Ceux avec qui on a la chance de discuter sont pour la plupart très cultivés et sympathiques. Il y a des gens très généreux et c’est toujours un plaisir de les rencontrer », assure l’agent de sensibilisation.

Mention photo : Camille Dehaene|Montréal Campus

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