« Chambres d’écho » : l’amitié à l’ère des bombes et des textos 

La dernière création du dramaturge Philippe Ducros, Chambres d’écho, est une autofiction traitant d’amitié, de réseaux sociaux et de conflits armés qui plongent le Moyen-Orient dans le chaos. Le comédien Étienne Pilon et la comédienne Mounia Zahzam incarnent avec justesse les deux protagonistes de cette pièce présentée au théâtre Espace Libre.

Le metteur en scène Philippe Ducros a séjourné à deux reprises en Syrie. En 2004, il participe à une résidence d’écriture ayant mené à la pièce L’affiche, qui aborde l’occupation israélienne en Palestine. Il retourne en Syrie en 2006 pour adapter cette œuvre avec des comédiens et des comédiennes arabes. 

Au cours de ses périples, le Québécois se lie d’amitié avec Samia, une actrice syrienne, avec qui il entretient un contact sur les réseaux sociaux pendant de nombreuses années. Dans Chambres d’écho, le personnage de Philippe (Étienne Pilon) voudra rendre visite à son amie Samia (Mounia Zahzam) en Syrie.

La pièce débute en abordant le destin troublant de Mohamed Bouazizi, ce vendeur ambulant tunisien qui, trop pauvre pour payer son permis de commerçant exigé par les autorités, s’immole devant un édifice gouvernemental. Son décès, causant l’émoi au sein de la communauté internationale, sera l’une des bougies d’allumage des protestations du Printemps arabe, élément central de la pièce. Contrairement à un grand nombre de ses compatriotes, Samia ne fuit pas la Syrie lorsqu’éclatent les contestations en 2011 et en 2012. 

Au cours de la pièce, Philippe et Samia discutent des défis auxquels est confrontée la population syrienne. Leurs échanges permettent au public de comprendre ces problématiques à travers la perspective occidentale de Philippe et celle, orientale, de Samia. 

Réflexion théâtrale

La pièce brille par sa mise en contexte des événements ayant plongé la Syrie et ses pays limitrophes dans la misère qu’on leur connaît. De la tentative de nationalisation des entreprises pétrolières iraniennes dans les années 1950 à la formation de l’État islamique dans les années 2010, tout est vulgarisé à merveille. 

Les protagonistes se livrent à de percutants dialogues au sein desquels sont remis en question les discours occidentaux en matière de paix et de démocratie. Samia dénonce l’inaction de la communauté internationale qui, même si elle est témoin de « la répression en live sur Facebook », ne lève pas le petit doigt pour venir en aide aux pays du Moyen-Orient. La pièce évoque malgré tout l’importance des réseaux sociaux dans la mobilisation syrienne. Samia fait référence aux écrans des téléphones comme « l’unique fenêtre du monde » qui lui reste. 

Chambres d’écho fait partie des incontournables de la scène culturelle ce printemps. Avec sa trame narrative bien ficelée, autant les fanatiques de théâtre que les néophytes pourront y trouver leur compte. Le scénario réussit à manier à la perfection poésie et critique sociale. Cette œuvre permet au public de vivre une gamme d’émotions, allant de l’indignation à la tristesse, en passant par l’admiration face à l’amitié sincère qui unit les deux protagonistes.

À la suite de la première du 14 février dernier, le comédien et la comédienne ont été chaleureusement applaudi(e)s par une foule visiblement conquise. 

La pièce Chambres d’écho, d’une durée de 90 minutes, est présentée du 14 février au 4 mars au théâtre Espace Libre.

Mention photo : Maxime Côté

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *