La campagne publicitaire du spectacle de danse M, de la compagnie Marie Chouinard, a récemment été censurée sur les réseaux sociaux de Meta pour cause de nudité. Le milieu des arts vivants, connu pour sa célébration de la beauté et de la liberté du corps, craint de devoir renoncer à la promotion de certaines de ses œuvres sur le Web.
« Notre première réaction a été la surprise, c’était la première fois que ça nous arrivait. C’était difficile de continuer la promotion du spectacle dans ce contexte-là », dénonce Sheila Skaiem, porte-parole du diffuseur montréalais Danse Danse.
Le 25 janvier dernier, via un communiqué, Danse Danse a partagé la nouvelle : la campagne promotionnelle du spectacle M de la compagnie Marie Chouinard avait été censurée sur Instagram et Facebook, plateformes du géant des réseaux sociaux Meta. Pour ce dernier, le diffuseur a brisé sa politique concernant « la nudité et les activités sexuelles » en raison de la présence de seins nus dans la bande-annonce du spectacle ainsi que sur la photo de couverture de la page Facebook de Danse Danse.
Pourtant, « Meta est censé honorer l’expression artistique, puisque la compagnie a assoupli plusieurs règles dans ce sens-là », rappelle Amy Werbel, professeure en histoire de l’art au Fashion Institute of Technology de New York, dont les recherches portent sur la censure dans l’art.
Les images « représentant des femmes en train d’allaiter ou [ayant] des cicatrices consécutives à une mastectomie […], les photos de tableaux, de sculptures et d’autres œuvres d’art représentant des personnages nus » sont autorisées sur Facebook, peut-on lire dans ses règlements. Danse Danse a tout de même soumis une demande de révision, qui a été rejetée.
La compagnie Marie Chouinard et Meta n’ont pas donné suite aux demandes d’entrevue du Montréal Campus.
Contourner les règles
« C’est absolument nécessaire de faire la promotion sur les réseaux sociaux. C’est comme ça qu’on réussit à parler avec notre clientèle. S’il y a imposition de restrictions à répétition, pour nous, c’est un drapeau rouge, donc on doit faire attention à nos campagnes. Il va falloir que nous trouvions des alternatives », estime la porte-parole de Danse Danse, qui craint que sa page Facebook soit bannie si d’autres violations des politiques lui sont attribuées.
Questionnée sur les options qui s’offrent au diffuseur Danse Danse pour leurs futures campagnes promotionnelles, Sheila Skaiem compte « demander aux compagnies des images où on ne voit pas de nudité ».
D’après la professeure Amy Werbel, les artistes ont toujours trouvé des façons de promouvoir leurs œuvres, malgré les contraintes qu’ils et elles rencontrent en ligne. « Les artistes ont toujours joué avec les images. Certains ont déjà superposé des mamelons d’hommes sur le torse nu des femmes. D’autres ont aussi flouté ces parties du corps pour déjouer l’algorithme », souligne la professeure en histoire de l’art.
Accepter la zone grise
Toutefois, pour Sheila Skaiem, modifier une œuvre artistique pour se plier aux exigences d’un réseau social n’est pas la solution. « Il y a des contextes où ça se prête mal de flouter les seins, par exemple. Il y a la volonté artistique des chorégraphes et des artistes, et il y a aussi le contexte du spectacle », rappelle-t-elle. La porte-parole de Danse Danse soutient que les restrictions devraient être allégées pour les arts vivants, tout comme pour les sculptures et les œuvres visuelles.
Amy Werbel suggère deux autres pistes de solution pour favoriser la promotion des arts vivants sur les réseaux sociaux. « On peut voir dans certaines publications en ligne, où il y a des images qui peuvent être considérées comme controversées, un avertissement informant qu’elles peuvent contenir de la nudité ou de la violence. Les gens ont donc le choix de cliquer ou pas sur les images », illustre-t-elle. Personnaliser les paramètres de son compte constituerait également une avenue prometteuse. Les utilisateurs et les utilisatrices pourraient décider quelles images ils et elles souhaitent voir sur leur fil, juge Mme Werbel.
Pour elle, il est essentiel de donner la possibilité aux internautes de choisir. « Nous devons accepter la zone grise. La sexualité fait partie de la nature humaine et nous devons célébrer la beauté des corps et la comprendre. Certains diront que la nudité présente dans des œuvres objectifie les corps, et d’autres penseront qu’elle nous aide à respecter et à aimer notre corps et celui des autres. Donc, quelles décisions allons-nous prendre ? », questionne la professeure.
Mention photo : Sylvie-Ann Paré
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