Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022
Dès l’hiver 2023, 22 nouveaux microprogrammes seront offerts par l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM). Même si l’Université considère ces nouvelles formations comme nécessaires, certaines personnes se questionnent sur la pertinence de développer des programmes d’études supérieures aux cheminements de plus en plus courts.
Les microprogrammes sont des certifications constituées de trois à six cours qui se complètent en une session ou en un an. Ils sont axés sur des disciplines novatrices de l’univers de la gestion. Le microprogramme en acquisition et gestion de talents et celui sur la création de start-ups à l’international font partie des nouvelles formations de l’ESG UQAM qui seront bientôt accessibles.
D’après le site Internet de l’ESG UQAM, la création de ces 22 microprogrammes permettra aux membres de la communauté étudiante « d’accroître rapidement de nouvelles compétences » ou encore d’étudier selon un horaire adapté à leur vie professionnelle.
« Les microprogrammes permettent de répondre à des objectifs spécifiques […] de façon rapide et adaptée, alors que les programmes de grade impliquent des délais plus longs », explique Jenny Desrochers, directrice des relations de presse de l’UQAM. Elle précise que les microprogrammes visent avant tout « une formation de base, d’appoint […] ou de spécialisation dans un domaine spécifique. »
La réalité du marché du travail est centrale à l’élaboration de ces programmes. Mme Desrochers note que les universités doivent agir selon les besoins du marché du travail, qui évoluent rapidement. La pénurie de main-d’œuvre, les innovations technologiques récentes et la pandémie de COVID-19 ont profondément affecté le fonctionnement des entreprises.
« Les organisations souhaitent donc avoir accès à des travailleurs en mesure de comprendre leur environnement et les transformations de leur secteur d’activité […]. C’est entre autres à cela que répondent les microprogrammes », affirme Jenny Desrochers.
L’élaboration interne
Une fois que le dossier de l’élaboration d’un microprogramme est monté, son mandat académique doit être approuvé par la Commission des études. La matérialisation d’un tel projet nécessite finalement l’approbation du Conseil d’administration de l’UQAM (CA) où des membres du corps étudiant et professoral siègent.
Puisque la création de ces microprogrammes s’inscrit dans une large opération de recrutement d’étudiants et d’étudiantes, leur processus de mise sur les rails est fait de manière « accélérée », juge Élizabeth Duboc, déléguée étudiante au CA et étudiante à la maîtrise en sciences de la gestion dans la spécialisation en responsabilité sociale et environnementale.
Le CA de l’UQAM veut s’assurer que cette initiative d’envergure soit faite de manière ciblée et réfléchie et qu’elle donne les résultats escomptés, avance Élizabeth Duboc. À cet effet, le CA a commandé un suivi qui fait l’évaluation de l’impact de la création de microprogrammes au trimestre d’automne 2024.
Marchandisation de l’éducation
Certains et certaines perçoivent la prolifération des programmes courts comme le symptôme d’un phénomène plus large, celui de la marchandisation de l’éducation.
« Il y a une forte tentation, non seulement à raccourcir les formations, mais aussi à coller les curriculums aux besoins définis par l’économie ou la technologie », affirme Éric Martin, docteur en pensée politique et professeur de philosophie au Cégep Saint-Jean-sur-Richelieu. « Cela engendre le besoin de constamment se renouveler parce que le marché mute très rapidement. »
Le professeur précise qu’il ne remet pas en question la pertinence de se mettre à niveau dans son milieu professionnel. D’après lui, les microprogrammes répondent plutôt à « une logique d’arrimage école/marché qui fait que c’est tout l’environnement éducatif qui est en train de se transformer ».
Pour expliquer cette tendance, Éric Martin souligne qu’il existe une forte concurrence entre les universités au Québec. Afin d’attirer un bon nombre d’étudiants et d’étudiantes dans leur établissement, les universités ont intérêt à trouver des créneaux spécialisés pour se démarquer.
Quoiqu’il reconnaisse l’utilité que peuvent avoir ces programmes, M. Martin demeure sceptique quant à la motivation derrière leur création. « On ne peut pas prétendre que ce sont des décisions qui vont uniquement se prendre dans le souci de la qualité de l’éducation », juge-t-il.
Mention photo : Lucie Parmentier | Montréal Campus
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