La fiction, bénéfique pour notre psychologie

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022

Toute personne adepte de cinéma ou de télévision comprend que l’on s’attache souvent à nos personnages fictifs. Qu’on les aime ou qu’on les déteste, ils font partie de notre quotidien. Si nous ne les connaissons pas réellement, pourquoi ressentons-nous un si grand attachement envers eux ? 

Il y a quelques semaines, j’étais dans le métro quand j’ai reçu une notification sur mon téléphone qui m’a bouleversée. L’acteur Robbie Coltrane est mort à l’âge de 72 ans.  

Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il a une grande signification pour les adeptes de la série de films Harry Potter. Il interprétait l’attachant Hagrid, le gardien de la prestigieuse école de sorciers Poudlard. J’adore les films avec Harry Potter ; je les regarde chaque année pendant le temps des Fêtes. J’ai donc ressenti une boule dans ma gorge quand j’ai appris la nouvelle.

Après mûre réflexion, j’ai réalisé que des milliers de personnes, incluant moi-même, qui ressentaient de la tristesse, ne connaissaient pas personnellement Robbie Coltrane. Ainsi, pourquoi sommes-nous autant affecté(e)s quand des personnages fictifs — ou leurs interprètes, dans ce cas-ci — meurent ? 

La théorie de l’identification est un premier concept où, comme son nom l’indique, un individu s’identifie à un personnage. Les intellectuel(le)s comme Hermione dans Harry Potter ou les comiques comme Jake Peralta dans Brooklyn Nine-Nine ont de nombreux admirateurs et de nombreuses admiratrices. Certaines personnes racisées ou de la communauté LGBTQ+ peuvent aussi s’attacher davantage à des figures qui leur ressemblent. Pour plusieurs, elles sont moins présentes à l’écran. On peut penser aux films Moana et Encanto, où les personnages principaux sont issus de la diversité, ainsi que Buzz l’Éclair, où deux femmes s’embrassent pour la première fois dans l’histoire de Disney. 

« On va apprendre et vivre des choses à travers le personnage », explique Natacha Godbout, psychologue clinicienne et professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). 

L’experte en attachement explique aussi que l’identification peut provenir du concept du transport narratif. « Les gens rentrent dans l’histoire, ils vont la vivre de l’intérieur », souligne-t-elle. Les personnes empathiques ressentent plus de compassion pour leurs personnages favoris, tandis que les personnes imaginatives aiment découvrir l’intrigue de l’histoire. Ces deux catégories de gens rentrent dans le moule de cette théorie. 

Les relations parasociales constituent l’hypothèse scientifique la plus connue. Ce concept consiste en une relation amicale ou amoureuse qu’une personne vit avec une personnalité connue. Ce sont toutefois, pour la plupart, des relations non réciproques, puisque la célébrité ne connaît pas la personne qui l’admire. 

Le premier exemple qui me vient en tête demeure Draco Malfoy dans Harry Potter. Sur la populaire application TikTok, j’ai vu des centaines de vidéos à propos de gens qui ont un béguin pour le jeune sorcier. Ce n’est pas le seul : Maddy dans Euphoria, Damon et Stefan Salvatore dans Vampire Diaries et John B dans Outerbanks ont notamment été visé(e)s par ce même type de vidéo. 

Si plusieurs personnes peuvent penser qu’une relation parasociale est toxique, la psychologue Natacha Godbout assure le contraire. « C’est même utile. Pour ceux et celles qui ont peur du rejet, ça leur permet d’éviter cet embarras, par exemple », soutient-elle. 

Selon Mme Godbout, les personnes anxieuses sont celles qui vivent surtout cette « fausse intimité ». « Ce sont eux qui vont vivre le plus de tristesse quand un personnage ou [son interprète] meurt », explique-t-elle. C’est même positif selon la professionnelle, puisque la mort d’un personnage peut les préparer à vivre celle d’un ou d’une proche. 

L’identification permet même de faire de la prévention, d’après Mme Godbout. Par exemple, en voyant la jeune Hermione se faire intimider, plusieurs parents peuvent discuter de cette situation avec leurs enfants. « On peut leur demander si ça leur est déjà arrivé, ce qu’il faut faire et ne pas faire », souligne la psychologue. 

Ressentir un grand attachement envers ses personnages préférés est donc un phénomène qui se produit chez des milliers, voire des millions de personnes. Bien qu’elles ne le vivent pas pour les mêmes raisons, certaines d’entre elles se reconnaissent parmi les personnages dans leurs écrans. D’autres vivront un si grand attachement qu’un amour fort naîtra envers ces personnages. 

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