La cyberdépendance chez les jeunes, un fléau généralisé

Les jeunes Québécois et Québécoises passent de plus en plus de temps sur leurs écrans, et cette habitude n’est pas sans conséquence. Les experts et les expertes appellent à la prévention et aux discussions familiales afin d’encourager une saine utilisation des technologies.

« La première des choses, c’est d’en discuter. Il est souhaitable d’établir des normes dans la famille quant à l’utilisation des écrans », affirme d’emblée Magali Dufour, professeure au département de psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). 

Les règles strictes liées au temps d’utilisation contribuent à instaurer un bon usage de la technologie chez les jeunes. « Il faut dialoguer, il faut s’asseoir avec ses enfants. […] Si vous installez des règles, il y a moins de comportements à risque », résume Jacob Amnon Suissa, professeur associé à l’École de travail social de l’UQAM.

Environ 97 % des jeunes de 12 à 17 ans ne respectent pas la recommandation du gouvernement provincial de passer un maximum de deux heures par jour devant un écran, selon un récent rapport de l’organisme Participaction. Réduire ce temps représente un défi pour les jeunes, qui passent par les appareils électroniques autant pour socialiser que pour étudier. 

Imposer des limites

Pour les parents, imposer une limite de temps d’écran à leurs enfants peut amener plusieurs avantages, notamment sur le plan académique. « J’essaie d’imposer une limite fixe à mes enfants pendant la semaine », raconte Stéphanie, qui est mère de trois enfants de 4, 11 et 14 ans. « Je pense que ça les aide à l’école, d’avoir une limite et une routine. Si je ne faisais pas ça, mon plus vieux pourrait passer des journées entières sans faire ses travaux à jouer à des jeux vidéo », croit-elle.

Quant aux fins de semaine, elle ne limite pas le temps d’appareils électroniques de ses enfants. « D’un autre côté, quand ils sont sur leurs tablettes les fins de semaine, ça me permet de faire mes choses, comme mon ménage », explique Stéphanie.  

Une recommandation irréaliste 

La recommandation actuelle d’un maximum de deux heures est critiquée par certains et certaines spécialistes, qui jugent cette limite trop arbitraire.

« Ces normes-là, pour l’instant, sont basées sur très peu d’études. […] Quand on fait des normes pour la consommation d’alcool et les jeux de hasard, on a besoin de données populationnelles avec des milliers de personnes et […] on n’a pas ces données-là [pour le temps d’écran] », souligne Mme Dufour. 

La limite de deux heures est donc de plus en plus difficile à respecter pour les étudiants et les étudiantes. Les membres de la communauté étudiante sont souvent contraints et contraintes d’utiliser un ordinateur ou une tablette dans le cadre de leurs études. « C’est de moins en moins réaliste, surtout avec la pandémie, puisqu’il y a beaucoup de trucs qui se font en ligne maintenant », explique Sébastien Bergeron, pédiatre spécialisé en médecine de l’adolescence à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. 

Les spécialistes ont une opinion nuancée quant à la présence des technologies dans les classes, une utilisation pédagogique n’étant pas forcément négative. « Souvent, ce que je vais dire aux familles, c’est que les deux heures par jour, on essaye de le viser, mais on devrait exclure le temps passé pour du contenu utile, notamment pour l’école ou les devoirs », précise M. Bergeron. 

Une utilisation risquée

Passer trop de temps devant un écran cause plusieurs problèmes pour la santé physique des jeunes. Ces conséquences sont vécues à la fois à court et à long terme. « Quand on est trop sur les écrans, on va être moins porté à avoir de bonnes habitudes alimentaires et à bouger », note M. Bergeron. Le médecin ajoute qu’une utilisation abusive des écrans peut détériorer la vision et engendrer des complications importantes en ce qui concerne le sommeil.

Les écrans, utilisés à l’excès, peuvent également résulter en plusieurs problèmes psychologiques, surtout chez les jeunes, renchérit M. Bergeron. « Il y a des risques par rapport à l’augmentation des symptômes liés à l’anxiété ou à la dépression quand on se compare [aux autres] sur les réseaux sociaux. Il est aussi possible de s’exposer à de la désinformation », mentionne-t-il.

Chez les plus jeunes, une quantité importante de temps de socialisation avec les parents peut être perdu au profit du temps passé sur un écran. « Le temps d’interaction avec les parents a diminué de manière incroyable », affirme M. Amnon Suissa. Selon lui, les jeunes au secondaire peuvent passer 2500 heures par année devant un écran. 

Plusieurs organismes ont pour objectif une utilisation plus saine du numérique, comme le Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne, ou encore Pause ton écran, qui proposait un défi de 24 heures sans écran le 20 novembre dernier. « Il existe beaucoup d’alternatives. Parfois, on y va par réflexe sur nos écrans, [mais] quand on a développé des alternatives, c’est aidant », conclut Magali Dufour.

 

Mention photo : Chloé Rondeau

Commentaires

Une réponse à “La cyberdépendance chez les jeunes, un fléau généralisé”

  1. J’ai eu peur en lisant le début de cet article, j’ai cru que j’avais sous mes yeux une apologie de l’imposition de limites irréalistes et saugrenues au jeunes. Heureusement que le travail est bien fait en y apportant une seconde partie plus modérée sur les restriction de temps d’écran qui n’ont, pour l’instant que des valeurs arbitraires et dictées par le ressentis de nos dirigeants.

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