Le ballet masculin au Québec peine à faire sa place

L’industrie du ballet au Québec, connue pour son ouverture et son innovation, semble tout avoir pour être considérée comme le paradis des danseurs et des danseuses. Toutefois, certains stéréotypes et biais intégrés à la culture québécoise rendent difficile le recrutement de danseurs masculins, encore aujourd’hui.  

D’après Oscar Lambert, un apprenti danseur des Grands Ballets canadiens, le monde du ballet au Canada est accueillant, innovateur et inclusif. Le pays compte sur la présence d’écoles réputées, comme l’École supérieure de ballet du Québec (ESBQ) ou l’École nationale de ballet du Canada (Canada’s National Ballet School) à Toronto.

Le jeune danseur mentionne « qu’il y a une plus grande ouverture d’esprit et une plus grande diversité corporelle que dans les ballets européens. »

« Au Canada, il y a une évolution de la danse qui est beaucoup plus avancée qu’en Europe », ajoute-t-il. 

Contrairement à celui des Français et des Françaises, le travail des artistes québécois et québécoises est davantage apprécié et reconnu, croit-il. En France, « les gens vont plutôt dire que ce n’est pas un métier, que c’est un passe-temps, alors qu’ici, c’est valorisé de faire de l’art », affirme le danseur des Grands Ballets canadiens.

Un mur culturel d’envergure

Aux origines de sa création, le ballet était principalement un sport masculin. Aujourd’hui, il a perdu en popularité auprès des hommes et la discipline est moins flamboyante qu’auparavant. Le manque de relève masculine se fait ressentir dans les écoles de ballet, note Anik Bissonnette, directrice artistique de l’ESBQ.

« Étant directrice d’une école où la majorité des personnes sont des filles, je suis toujours en recrutement de garçons. C’est un de nos plus grands défis à l’école supérieure », souligne l’ancienne danseuse étoile.

Pour Mme Bissonnette, le problème découle de la culture du sport au Québec, plus précisément des stéréotypes et des préjugés liés aux hommes pratiquant le ballet. La perception de ce sport est souvent négative auprès des garçons : l’image du ballet comme étant une discipline féminine reste ancrée dans notre société, déplore la directrice.

« Je me suis demandé si c’était le port du collant chez le garçon, [le problème]. On a enlevé le port du collant chez les garçons, mais il n’y a pas eu plus de personnes », se désole-t-elle.

Non seulement des préjugés perdurent, mais ils peuvent représenter une source de haine et de violence psychologique et verbale. La directrice artistique de l’ESBQ affirme avoir déjà rencontré par le passé des garçons ayant décidé d’arrêter le ballet parce qu’ils se faisaient violenter après l’école.

Oscar Lambert et Mme Bissonnette affirment que le ballet est un sport difficile, nécessitant discipline et technique, dans lequel tous et toutes font essentiellement la même chose. Il serait insensé de faire une séparation entre les danseurs et les danseuses, ou de tenter de genrer ce sport, selon les deux artistes.

« Maintenant, [en 2022], avec tout ce qu’on voit, je ne crois pas qu’il y ait réellement un rôle masculin et un rôle féminin, avance Mme Bissonnette. Je pense que c’est plutôt dans le répertoire classique qu’on voit des rôles genrés. »

Le ballet au centre de la solution

D’après le danseur et la danseuse, la meilleure manière de mettre fin aux préjugés serait d’encourager les jeunes garçons et les adultes à s’intéresser au ballet. « Il faudrait présenter aux enfants et aux adolescents l’opportunité d’aller voir du ballet où ce n’est pas forcément la femme qui est mise de l’avant, mais aussi l’homme, pour leur faire comprendre que tout le monde peut en faire », précise Oscar Lambert.

D’ailleurs, en 2010, l’École nationale de ballet du Canada a présenté le spectacle Billy Elliot, une comédie musicale reconnue mettant à l’avant-scène un jeune garçon.

« Ils ont fait un bond phénoménal avec les garçons, parce que tout le monde voulait incarner Billy Elliot. Alors, il y a des années où il y avait plus de garçons que de filles à l’École nationale de ballet. On n’avait jamais vu ça », se souvient la directrice artistique de l’ESBQ, pleine d’espoir. 

Mention photo : Chloé Rondeau |Montréal Campus

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