Investir à l’ère des réseaux sociaux

Les groupes promouvant l’achat de cryptoactifs et de titres boursiers abondent sur les réseaux sociaux depuis la pandémie. Leur forte popularité reflète l’enthousiasme qu’ont plusieurs étudiants et étudiantes envers les cryptomonnaies et les titres boursiers. Décryptage d’un phénomène social qui peut coûter cher.

En 2013, Samuel Rainville-Bell, aujourd’hui étudiant en deuxième année du baccalauréat en marketing de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), entend parler du bitcoin pour la première fois. À ce moment, l’étudiant est fasciné par l’ensemble de la technologie entourant cette cryptodevise. Ne saisissant pas l’ampleur du phénomène financier à venir, l’étudiant préfère ne pas y investir.

Six ans plus tard, il admet regretter cette décision : « Au tournant de la précédente décennie, j’ai des amis qui se sont procuré des bitcoins alors que ces derniers se transigeaient autour de 30 à 40 sous américains. Au cours du mois de juillet [2019], le bitcoin a frôlé la barre des 13 000 dollars américains»

L’apport des communautés sur Internet

Samuel s’est mis peu à peu à s’intéresser activement aux univers des cryptoactifs et des marchés boursiers. Au fur et à mesure que ses recherches avancent, l’étudiant découvre l’existence de groupes sur Internet, dont certains rassemblent des dizaines de milliers d’investisseurs et d’investisseuses issu(e)s des quatre coins du globe

« Tous les soirs, j’écoutais des gens qui gagnent leur vie avec la crypto et la bourse, relate Samuel. Je cherchais à comprendre la logique derrière leurs choix […], je trouvais ça fascinant de voir tous ces cerveaux trouver des manières de faire de l’argent. » Des serveurs Discord et des pages Reddit, pour ne nommer que ces plateformes, permettent aux jeunes passionné(e)s de monnaies virtuelles et de bourse d’échanger sur les titres et cryptodevises en vogue.

Lorsque l’humour fait trembler Wall Street

Bogdan Sonnenwirth, finissant au baccalauréat en informatique et génie logiciel à l’UQAM, cumule plusieurs années d’expérience sur les marchés boursiers. Ce dernier a vu naître la mode des « meme stocks », phénomène envers lequel il ne cache pas une certaine réticence.

Les « meme stocks » sont des titres boursiers à faible valeur pour lesquels une communauté Internet crée un engouement. Cela a pour conséquence de faire artificiellement monter la valeur d’une action boursière. Lorsque l’engouement s’essouffle, la valeur de l’action chute rapidement.

Le titre de la compagnie AMC en est un exemple. Il valait autour de deux dollars américains au début de janvier 2021. Au cours du mois de juin, le titre frôlait la barre des 60 dollars américains. Le 2 septembre 2022, l’action d’AMC valait sept dollars et 45 sous américains.

Pour Bogdan, la chute radicale de la valeur de cette action était prévisible. « Il n’y avait pas de fondation dans la valeur de ces investissements. Ce n’était que des gens qui achetaient le titre, sans que la compagnie produise des résultats avec ces investissements. » Il indique que les investisseurs et investisseuses qui font du profit avec les « meme stocks » sont rares.

La professeure au Département des sciences comptables de l’UQAM Mélissa Fortin déplore la désinformation au sujet des cryptomonnaies sur les réseaux sociaux. « Ce n’est pas parce qu’une cryptomonnaie utilise une célébrité pour vanter un projet que c’est le temps d’investir. J’aime rappeler aux gens que le bitcoin n’a pas eu besoin de l’appui d’une vedette pour atteindre la notoriété qu’il a aujourd’hui ».

La professeure de l’UQAM fait ici un clin d’œil à la monnaie virtuelle Dogecoin. Cette dernière, qui a comme effigie le chien du mème Doge, popularisé en 2013, se voulait une satire du monde de la cryptomonnaie. La valeur de cette monnaie digitale a explosé entre décembre 2020 et avril 2021 à la suite d’un gazouillis de l’entrepreneur Elon Musk. Après avoir atteint un sommet de 77 sous en mai 2021, la monnaie virtuelle ne valait que huit sous le 27 septembre 2022.

Des outils au service des gens qui investissent

« Si une cryptomonnaie vous intéresse, la première chose que vous devriez faire, c’est vérifier auprès de l’Autorité des marchés financiers s’il y a déjà eu des historiques de fraude liée à cette monnaie », affirme Mme Fortin.

La spécialiste ajoute qu’il est impératif de lire les prospectus d’investissements avant de jeter son dévolu sur une cryptomonnaie. La professeure explique que des vérifications aussi simples que celle des liens partagés dans le prospectus ou de la qualité de la langue peuvent confirmer le sérieux d’un projet de cryptomonnaie.

Quant à lui, Bogdan Sonnenwirth offre un conseil à l’ensemble de la communauté étudiante. « Quand une offre semble trop alléchante, ferme ton ordinateur et va faire une bonne marche. Attends jusqu’au lendemain. Si l’offre te semble encore intéressante, tu peux désormais songer à investir! », conclut-il.

Mention photo : Camille Dehaene | Montréal Campus

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