Santé mentale, conciliation travail-vie personnelle, dénonciation de climats de travail toxiques… De nouveaux paradigmes viennent bouleverser le marché de l’emploi, alors que la génération Z s’apprête à s’en emparer. Portrait d’une population qui a tout à gagner dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, où l’employé(e) est au cœur des préoccupations des employeur(e)s.
« Être heureuse [au travail], c’est vraiment le critère numéro un, je dirais même avant le salaire », affirme d’emblée Marie Leblanc, étudiante au baccalauréat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et qui travaille à temps partiel à la Boulangerie Les Enfarinés à Boucherville.
C’est un souhait réalisable dans le contexte économique actuel, puisque les jeunes de la génération Z, né(e)s entre 1997 et 2010, ont plusieurs possibilités d’emplois. Les jeunes peuvent ainsi choisir l’emploi qui leur convient le mieux.
Diane-Gabrielle Tremblay, professeure au Département d’économie et de gestion de l’Université TÉLUQ, explique que les nouvelles demandes sur le marché du travail sont souvent liées à la situation économique.
Entre les années 1980 et 2000, par exemple, le portrait global de l’économie québécoise était caractérisé par peu d’emplois disponibles et un taux de chômage élevé. Les employé(e)s n’étaient donc pas toujours en mesure d’exprimer leurs demandes quant à leurs conditions de travail.
Une pénurie avantageuse
« Maintenant, les employés sont dominants et peuvent demander ce qu’ils veulent », explique Diane-Gabrielle Tremblay.
Selon Amanda Naud, conseillère en ressources humaines pour l’agence de relations publiques TACT, il faut user de créativité afin d’offrir aux employé(e)s des conditions concurrentielles aux autres entreprises. Dans un contexte de « marché de l’employé, dit-elle, […] Il faut trouver de nouvelles façons de faire en sorte que ce soit plus attirant »
Chez TACT, les employeur(e)s ont notamment mis en place une période sans rencontres internes les mercredis après-midi, afin de permettre aux employé(e)s de faire du travail personnel. Au sein de l’entreprise, les travailleurs et les travailleuses sont libres de venir au bureau ou de travailler à la maison selon leurs besoins. Des dîners pizza et des 5 à 7 sont aussi organisés afin de créer un esprit d’équipe.
La pénurie de main-d’œuvre observée aujourd’hui permet aux jeunes de choisir l’emploi qui leur convient le mieux. Par exemple, certaines personnes vont quitter des entreprises où le climat de travail est toxique, puisqu’il y a plusieurs autres possibilités. « On n’est pas obligés de tolérer ça », rappelle Mme Tremblay.
Si autrefois le travail était perçu comme une simple manière de gagner sa vie, la réalité est toute autre aujourd’hui. Les gens veulent davantage trouver un sens à ce qu’ils et elles font, explique Mme Tremblay. La conciliation entre la vie personnelle et le travail est également un nouveau critère pour les jeunes de la génération Z.
Un gage de succès
Pascale Leclerc le répète : avoir une belle dynamique de groupe au travail est essentiel. L’étudiante au baccalauréat en action culturelle à l’UQAM travaille à temps partiel au Lola Rosa Parc, un restaurant végétalien à Montréal où elle a créé des amitiés qui perdurent à l’extérieur des heures d’achalandage. « Je rentre là et j’ai l’impression que c’est ma maison », décrit-elle.
Les étudiantes rencontrées par le Montréal Campus s’entendent d’ailleurs pour dire qu’une relation saine avec ses patrons et ses patronnes est de mise pour être heureux et heureuse dans son milieu de travail.
Marie Leblanc se réjouit de la flexibilité dont ses employeurs à la boulangerie font preuve. L’étudiante est en mesure de prendre des congés lorsqu’elle a des examens ou lorsqu’elle part en voyage, par exemple. « Je n’ai pas beaucoup de pression sur mes épaules parce que je sais qu’ils sont vraiment compréhensifs », témoigne-t-elle.
En effet, Amanda Naud remarque elle aussi que la bonne ambiance sur le lieu de travail est primordiale pour les employé(e)s. En entrevue, les jeunes de la génération Z mentionnent souvent que la chimie au sein d’une équipe est un critère essentiel pour le choix de leur emploi.
La relation entre les gestionnaires et les employé(e)s a évolué, selon la conseillère aux ressources humaines. Auparavant, « c’était le boss qui disait quoi faire et qui donnait les tâches ». « Maintenant, ce que les [employé(e)s] recherchent quelqu’un qui va les faire grandir, les aider à se développer professionnellement et à les amener au niveau supérieur », relate Mme Naud, précisant que les jeunes souhaitent avoir un ou une mentor en leur supérieur(e).
Changement de la donne
Selon une étude de Statistique Canada publiée en avril 2021, 15 % des travailleurs et des travailleuses souhaiteraient être en télétravail à temps plein, tandis qu’environ 10 % d’entre eux et elles désireraient revenir au boulot à temps plein. Environ 80 % de la population aimerait, pour sa part, travailler dans un modèle hybride, soit la moitié des heures à la maison et l’autre moitié à l’extérieur de leur demeure.
Pour Marie Leblanc, qui étudie la psychologie, travailler en mode hybride représente « le meilleur des deux mondes ». Des échos différents de la part de Pascale Leclerc, qui préfère pour sa part travailler en « présentiel », puisque le bureau est un lieu de rencontres et de socialisation pour l’étudiante.
Diane-Gabrielle Tremblay croit d’ailleurs que les jeunes voudront retourner au travail afin de retrouver un esprit d’équipe que la pandémie a effrité. Selon elle, ces lieux sont des milieux d’échange, de réseautage, et des endroits où l’on apprend les rudiments du métier. Elle précise que la pandémie a permis à de nombreuses personnes de réaliser ce qu’elles désiraient dans leur emploi.
« Je pense que le nouveau milieu de travail, ça va en être un où on va pour être avec les autres, pour échanger, etc. Ça ne sera pas juste pour s’asseoir devant son écran, puisque ça, au contraire, on peut le faire mieux chez soi », estime Mme Tremblay.
Mention photo Lila Maître | Montréal Campus
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