Produits menstruels : les associations étudiantes et l’administration se renvoient la balle

Serviettes sanitaires, tampons et autres options réutilisables : devant l’inaction de l’administration de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), des associations étudiantes ont mis en place différentes initiatives sur le campus.

Sophie*, une étudiante au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement du primaire, vit avec des problèmes de santé qui lui provoquent des règles irrégulières et abondantes. « Je n’ai pas les moyens financiers de prendre le risque de perdre des produits menstruels. […] Il m’est arrivé à plusieurs reprises de ne pas avoir de protection avec moi », déplore-t-elle.

Étant donné que la majorité des toilettes à l’UQAM ne sont pas dotées de machines distributrices qui pourraient pallier l’imprévisibilité des menstruations, Sophie a quelquefois dû demander à d’autres femmes si elles pouvaient la dépanner. « Je déteste avoir à faire ça, j’ai peur du jugement et je trouve ça intimidant », raconte-t-elle.

Les toilettes de l’UQAM ne sont également pas adaptées pour laver les produits menstruels réutilisables en toute intimité. « Bien que j’utilise à la maison une coupe menstruelle et des serviettes lavables, c’est toujours un souci d’avoir mes règles quand je suis à l’Université », explique Rosalie*, étudiante dans le baccalauréat en communication humaine et organisationnelle, qui, en raison d’un flux abondant, doit vider et rincer sa coupe menstruelle durant la journée.

Elle se voit contrainte de se procurer des produits menstruels jetables, ce qui lui occasionne « un stress et une dépense inutile ». L’étudiante aimerait également avoir accès plus facilement à des produits menstruels puisque « ce n’est pas évident de devoir faire le tour des associations pour quêter des produits ».

Selon l’Institut Santé et société de l’UQAM, le tiers des femmes de moins de 25 ans reconnaissent avoir déjà eu de la difficulté à se procurer des produits menstruels chaque mois.

Une offre décentralisée

L’UQAM ne fournit pas de produits menstruels à sa communauté. Certaines associations étudiantes ont donc pris les devants.

Mais la majorité d’entre elles n’en font pas la promotion. « On ne veut pas non plus commencer à desservir toutes les personnes menstruées de l’Université, je crois que c’est l’UQAM qui devrait fournir ces produits », avoue la déléguée à la coordination exécutive de l’Association étudiante modulaire de sexologie (AEMS), Ambre Roberge.

Dans le Café Hubert-Aquin, situé au deuxième étage du pavillon portant le même nom, des serviettes sanitaires et des tampons sont placés sur le comptoir d’accueil à la vue de tous et de toutes. Les employé(e)s rencontré(e)s par le Montréal Campus disent toutefois ne pas en faire la publicité, car ils et elles ne veulent pas devenir la ressource numéro un de la population étudiante.

Malgré la volonté de rendre les produits menstruels plus accessibles à leur communauté, la majorité des associations étudiantes n’ont pas tenté d’impliquer l’UQAM dans leurs initiatives.

Seule l’Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH) a formulé des demandes de subvention pour des produits menstruels écoresponsables, dont une au Fonds vert de l’UQAM. Malgré quelques difficultés, la demande de l’AFESH pour une deuxième subvention « a été reçue favorablement par l’Université. En effet, les Services à la vie étudiante ont octroyé une subvention de 1000$ pour la distribution de matériel d’hygiène écoresponsable [à l’AFESH] », indique la directrice des relations de presse de l’UQAM, Jenny Desrochers. Elle ajoute que, si d’autres initiatives de ce genre étaient soumises à l’Université, elles seraient aussi évaluées.

Le Syndicat des étudiant(e)s employé(e)s de l’UQAM (SÉTUE) lancera pour sa part un projet-pilote à l’hiver 2022 afin d’offrir un programme de subvention pour l’accès à des produits menstruels réutilisables sur le campus.

Une responsabilité partagée

Un projet pour offrir gratuitement des produits menstruels a été implanté en 2017 sur le campus de l’Université McGill. « Il semble qu’il soit mené par une association étudiante et non par l’Université elle-même », soutient Jenny Desrochers. Ce sont effectivement les membres de la Société des étudiants de l’Université McGill (AÉUM) qui contribuent financièrement pour acheter les produits.

Pour sa part, Ambre Roberge croit qu’il pourrait être envisageable de coopérer entre les associations étudiantes de l’UQAM, mais elle insiste sur le fait qu’elle « ne sait pas à quel point elles devraient avoir ce poids-là ». La secrétaire à la coordination de l’association étudiante des sciences humaines (AFESH), Elizabeth Jean, affirme quant à elle que, malgré les subventions pouvant être octroyées, « c’est les asso qui doivent faire tout le travail ; se déplacer pour acheter le matériel, s’assurer que l’accès au local est facile, etc. »

Selon l’économiste et chargée de cours au département des sciences économiques de l’UQAM Marie-Hélène Legault, deux scénarios hypothétiques se dessinent en lien avec les produits menstruels offerts à la communauté uqamienne. D’une part,les frais annuels pour quiconque assumant les coûts des produits jetables seraient de 90 000 $ à 209 000 $ (sur une base de 32 semaines par année). D’autre part, les produits réutilisables  pourraient coûter de 42 000 $ à 116 000 $ pour une utilisation de trois ans. 

Ces estimations se basent sur plusieurs facteurs, notamment la gamme de produits offerts ainsi que le pourcentage des personnes menstruées à faible revenu. Cela n’inclut cependant pas les coûts liés à l’infrastructure et leur distribution.

 

Quelques initiatives d’associations étudiantes pour rendre les produits menstruels plus accessibles

L’Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH) offre des produits jetables, tels que des tampons et des serviettes sanitaires, et des produits réutilisables (trois sortes de Diva Cup);
L’Association étudiante du module d’histoire (AEMH) donne gratuitement à ses membres des tampons et des serviettes sanitaires;
L’Association générale des étudiants de communication (AGEC) offrira prochainement des produits dans leur local pour les gens qui en ont besoin;
L’Association étudiante en gestion du tourisme et de l’hôtellerie (AÉGTH) met à disposition des trousses de départ avec des produits jetables pour ses membres;
L’Association étudiante modulaire de sexologie (AEMS) offre des produits dans son local, principalement pour ses membres;
L’Association facultaire étudiante de langues et communication (AFELC) offre des produits exclusivement à ses membres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*Prénoms fictifs pour préserver l’anonymat

Mention photo Eléonore Turcotte | Montréal Campus

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