L’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus populaire dans plusieurs domaines. L’art ne fait pas exception. Plusieurs artistes croient que cette méthode de travail, qui continue à évoluer, ouvre de nouvelles possibilités dans le monde artistique.
Le livre Art in the Age of Machine Learning, écrit par l’artiste, scientifique et professeur en médias interactifs à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Sofian Audry, explore comment l’apprentissage automatique et l’IA sont utilisés dans le monde artistique pour instruire le public à cette technique.
Trois techniques y sont abordées : le modèle, les données et l’algorithme. Il s’agit de la structure fondamentale de l’apprentissage automatisé. Le modèle est une « espèce de machine, qu’on peut imaginer avec des boutons qu’on peut ajuster, mais on ne sait pas trop comment les ajuster. […] Donc, il faut ajuster cette machine-là pour qu’elle fasse quelque chose d’intéressant [parce qu’elle ne connaît rien encore] », explique Sofian Audry.
La deuxième méthode est l’utilisation de données comptabilisées manuellement. Les artistes qui utilisent cette technique créent parfois leur propre base de données ou font appel à une banque déjà existante. Ensuite, il y a « l’algorithme d’apprentissage ou la procédure d’entraînement qui va prendre les données et ajuster la machine et qui va reconnaître des schémas », ajoute le scientifique.
Donc, l’œuvre apprend, se développe et se modifie au fil du temps. Ces changements rendent l’expérience du spectateur ou de la spectatrice plus profonde, aux yeux de M. Audry, puisque ce que l’œuvre évolue. C’est cette « unicité qui rend cette technique artistique distincte des autres », explique l’artiste.
Dans son livre, Sofian Audry revisite certaines œuvres marquantes, ainsi que différentes méthodes explorées par les artistes. Il prend notamment l’exemple de Guitar Robot, une œuvre de Nicolas Baginsky, un robot qui apprend à jouer de la guitare grâce à l’intelligence artificielle.
Les débuts de l’intelligence artificielle dans l’art
« Dès qu’il y a une nouvelle technologie, les artistes en parlent et veulent la découvrir », affirme le docteur diplômé en littérature comparée de l’Université de Montréal, Ollivier Dyens, auteur de Virus, parasites et ordinateurs : le troisième hémisphère du cerveau.
C’est en 2015 que les avancées technologiques de l’IA ont fait leur chemin dans l’art, précise M. Audry. Toutefois, « on peut voir l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’art dès 1940 et 1950, malgré les idées préconçues sur l’IA comme quoi tout ça est récent », explique le professeur.
Mais les artistes doivent être prudent(e)s quand ils et elles utilisent l’intelligence artificielle, soutient Frédéric Quévillon, un artiste québécois qui utilise lui-même l’intelligence artificielle dans son art. « Il faut éviter que celle-ci ne fasse pas tout le travail, ce qui entraîne la perte de l’authenticité de l’œuvre », explique-t-il.
Des questionnements émergent
Cette méthode de travail fait débat dans le monde artistique : certaines personnes croient que l’IA ouvre de nouvelles portes dans le milieu, tandis que d’autres sont d’avis que l’intelligence artificielle remplace l’artiste, puisqu’elle crée l’art.
« Si je vous demandais de lire un livre de poésie, et vous répondiez : “J’ai été très émue, c’était très beau.” Et qu’après, je vous disais : “Cela a été écrit par une machine”, vous vous sentiriez un peu trahie. Cela pose la question : est-ce qu’une œuvre d’art est l’œuvre elle-même ou est-ce aussi l’intention derrière? », illustre Ollivier Dyens.
C’est une questionnement que l’on peut se poser lorsqu’on pense à l’œuvre de l’artiste David Johnson, qui a créé une base de données de poésie grâce à l’IA. Chaque matin, il demandait au logiciel d’écrire des poèmes. Il récoltait les meilleurs, sans les modifier, et les a ensuite publiés dans un livre.
Ainsi, ce débat engendre une redéfinition de la beauté et de la qualité d’une œuvre. Le monde artistique se demande s’il faut se baser sur ce que l’on voit et ressent lorsqu’on voit une œuvre ou s’il faut plutôt se baser sur la raison d’être de l’œuvre.
Illustration de Malika Alaoui | Montréal Campus
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