La religion chrétienne étant en déclin au Québec depuis la Révolution tranquille, plusieurs églises se mobilisent pour offrir aux jeunes adultes des manières plus modernes de pratiquer leur foi, dans le but d’en assurer la pérennité.
Selon un récent sondage Léger-Le Devoir, 54 % de la population canadienne âgée de 18 à 34 ans dit ne pas croire en Dieu. Pour attirer ce groupe d’âge, plusieurs églises ont fait le choix de se réinventer en offrant des services davantage adaptés aux valeurs de leur jeune clientèle.
La messe du dimanche matin en latin n’est plus la seule manière de pratiquer le christianisme. Bien que ce format traditionnel existe encore, de nouveaux modèles émergent afin d’attirer les jeunes. Organisant des concerts et encourageant ses membres à faire usage des réseaux sociaux, le regroupement d’églises chrétiennes La Chapelle, basé à Montréal, en est un bon exemple.
Changer les perceptions
À l’Église Le Portail, à Laval, le pasteur Ralph Philemon a opté pour une formule tout aussi dynamique. « Chaque vendredi soir, on reçoit environ 90 jeunes de 18 à 35 ans pour une communion fraternelle. On a un moment de louanges avec un groupe de musique », raconte le pasteur.
Il dit constater que plusieurs jeunes adultes souffrent de solitude et voient cette activité du vendredi soir non seulement comme une activité religieuse, mais aussi comme une manière de briser l’isolement. « Les jeunes invitent leurs amis, des gens de leur classe à venir. Avant la pandémie, on aimait bien aller jouer à des jeux de société au pub Le Randolph », se remémore-t-il, un sourire dans la voix.
Lors de ces rencontres, la priorité du pasteur est de garantir, selon ses propres mots, « un vibe » jeunesse. « Il y a parfois des jeunes qui viennent et qui sont plus réticents, mais quand ils et elles voient que je suis habillé normalement et que j’amène le message biblique en fonction de leur réalité de jeune adulte, la réticence diminue », mentionne-t-il.
Conflit de valeurs
De nombreuses institutions religieuses se réinventent, certes, mais pour plusieurs jeunes adultes, le défi avec la religion n’est pas tant dans la forme que dans le fond. En effet, certaines valeurs traditionnellement soutenues par l’Église ne trouvent plus appui auprès d’une majorité de la population. Cette opposition peut susciter des questionnements chez des jeunes qui pratiquent le christianisme.
C’est le cas pour l’étudiante au baccalauréat en enseignement de la musique à l’Université Laval Bénédicte Gagnon. « Ce n’est pas toujours facile d’être chrétienne dans notre société actuelle, je sens beaucoup de jugement », souligne l’étudiante qui pratique le catholicisme depuis sa naissance. « C’est sûr que j’ai certaines valeurs concernant le mariage gai ou l’avortement qui sont moins acceptées socialement », relève-t-elle.
L’étudiante en médecine à l’Université de Montréal Isabelle Gravel ne voit pas exactement les choses du même œil. Chrétienne protestante depuis sa naissance, elle est pro-choix et pro-mariage homosexuel. « Quand j’affirme ces positions, je parle en tant qu’individu qui a des valeurs, pas en tant que chrétienne », déclare-t-elle.
Elle constate d’ailleurs que peu de jeunes catholiques de son âge adhèrent à de telles positions. « Les valeurs au centre du christianisme sont l’amour et l’entraide. De plus en plus de gens se rendent compte que dans le contexte religieux, ces valeurs ont été utilisées pour ostraciser certains groupes, donc il y a un réveil qui se fait », note-t-elle.
Un constat auquel parvient également la professeure au département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Stéphanie Tremblay. « Dans les dernières études parues sur le sujet, on constate qu’il y a une résistance aux pratiques religieuses qui peuvent être perçues comme intégristes et qui mettent en péril les principes de dignité individuelle », analyse-t-elle.
L’étudiant en administration à l’UQAM, Mohamed*, originaire de la France, pratique quant à lui la religion musulmane. Il constate que le désir de se moderniser est peu présent au sein de l’islam : « Dans notre religion, on dit que l’innovation est un égarement ». Mohamed pratique la prière cinq fois par jour et effectue le jeûne du ramadan. Quant au droit à l’avortement et au mariage homosexuel, il explique que sa religion « ne l’approuve pas, mais le tolère ».
Renouveau spirituel
Pour Stéphanie Tremblay, la baisse de popularité de la religion chez les jeunes ne fait aucun doute. « On remarque que les jeunes ont pris une distance par rapport à l’héritage catholique historique. Ils et elles se sont individualisés », relève-t-elle.
Un désintérêt envers la religion ne signifie cependant pas un désintérêt envers la spiritualité, au contraire. « Les nouvelles générations s’intéressent aussi aux pratiques spirituelles : elles ne sont donc pas très différentes des générations précédentes en ce sens, mais elles épousent des valeurs très libérales, comme la liberté », explique la professeure.
L’étudiante Bénédicte Gagnon ne se dit pas inquiète de cette baisse de popularité, et y voit même du positif. « Les gens qui sont là ne sont pas obligés d’y aller, donc ils sont là pour les bonnes raisons », croit-elle. Le pasteur Ralph Philemon ne fait pas grand cas des statistiques lui non plus. « C’est peut-être bizarre à dire, mais je ne suis pas craintif. Je crois qu’on assiste à un regain de quête spirituelle qui mène vers la religion », mentionne-t-il. Selon le pasteur, la religion a les bras grands ouverts pour quiconque veut bien y adhérer.
Stéphanie Tremblay ajoute que de plus en plus d’églises développent des services spécialisés pour des personnes migrantes, par exemple, ou encore membres de la communauté LGBTQ+. « Plusieurs personnes religieuses épousent des valeurs modernes », explique-t-elle.
Des valeurs modernes dans un cadre religieux : c’est l’avenue qu’emprunte un nombre grandissant d’églises. Une tendance qui pourrait continuer d’attirer de jeunes fidèles dans les prochaines années.
Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus
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