Le nouveau cours Culture et citoyenneté québécoise, qui remplacera dès 2023 le programme d’Éthique et culture religieuse (ECR) au primaire et au secondaire, a été critiqué pour ses couleurs nationalistes. Les « valeurs québécoises » qui seront enseignées aux jeunes ne font pas l’unanimité.
D’après le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, le cours d’ECR avait besoin d’une mise à jour : il diffusait des stéréotypes sur des communautés religieuses et définissait des individus par rapport à leur appartenance religieuse. « Le remplacement du cours d’ECR par un cours d’éducation à la citoyenneté s’inscrit dans un cycle long de déconfessionnalisation du système scolaire québécois, [qui s’échelonne] sur des décennies », décrit Frédéric Guillaume Dufour, professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Le nouveau programme se divisera en trois volets : culture, citoyenneté québécoise et pensée critique. Ces enseignements ont pour finalité de supprimer les aspects spirituels et religieux du programme pour se concentrer sur des thèmes plus pragmatiques et concrets. Les thématiques abordées demeurent pour l’instant inconnues.
Le cours d’ECR avait été mis en place en 2008 dans le but d’offrir une formation à l’ensemble des élèves du primaire et du secondaire sur le patrimoine religieux et les traditions de nombreuses croyances, tout en respectant la liberté de conscience et de religion de chacun. George Leroux, écrivain et professeur émérite de philosophie à l’UQAM, avait participé à la conception du programme d’ECR. Il explique que « ces modèles de compétences permettent de former un jugement éthique sur différentes sociétés, de manifester une compréhension des religions et de pratiquer le débat et le dialogue en général ». George Leroux précise avoir été étonné de la mise en place d’un nouveau programme, car « un cours d’histoire et éducation à la citoyenneté existe déjà et remplit des critères en termes d’éducation à la citoyenneté ».
Le choix des valeurs
Ce changement de cours vient d’une volonté du gouvernement d’inculquer des valeurs communes à la jeunesse québécoise, telles que l’égalité homme-femme, la liberté d’expression et les responsabilités de chacun au sein d’une société, a décrit le ministre Roberge.
Pour le choix méticuleux des valeurs qui figureront au cours de Culture et citoyenneté québécoise, « l’équipe ministérielle travaille étroitement avec des comités d’experts reconnus, soit des chercheurs, mais aussi des praticiens du milieu scolaire (conseillers pédagogiques et enseignants) au primaire comme au secondaire pour l’élaboration de ce nouveau programme d’études », précise Bryan Saint-Louis, responsable des relations de presse du ministère de l’Éducation.
Frédérick Guillaume Dufour indique toutefois que « l’idée selon laquelle la population de telle nation ou de tel État partagerait un ensemble de valeurs homogènes et opaques est une fiction dans les sociétés modernes. Ces sociétés se caractérisent plutôt par une importante différenciation sociale. »
M. Saint-Louis souligne que « les grandes orientations qui guident la rédaction de ce nouveau programme ont été élaborées à partir des éléments recueillis pendant le processus de consultation ». Ce processus comportait des consultations en ligne, plus de 200 mémoires déposés et analysés, des forums tenus avec plus d’une centaine d’organismes et une consultation spécifique avec des partenaires autochtones.
George Leroux mentionne l’opacité de la consultation des pairs sur le nouveau programme, qui « était à demi privée. » « En effet, aucune évaluation du programme n’a été révélée aux pairs, car tous les mémoires sur le sujet ont été rendus privés », indique-t-il.
Valeurs nationalistes
Pour M. Leroux, le choix d’enlever la religion de l’éducation des jeunes élèves fait écho aux valeurs nationalistes du gouvernement, notamment la laïcité, dont l’objectif est « la sauvegarde de l’identité collective française au Québec. »
Le cours d’ECR a connu trois vagues de haines, explique M. Leroux. La première était le mécontentement des parents catholiques qui trouvaient que l’apprentissage de la religion à l’école allait mettre en péril l’éducation spirituelle de leurs enfants. La deuxième était la volonté des nationalistes de ne plus faire prononcer le mot religion dans les classes, car le corps enseignant ne pourrait pas être totalement impartial. La troisième vague est l’arrivée du principe de laïcité dans la législation québécoise, par le biais de la loi 21.
D’après M. Leroux, le remplacement du cours d’ECR est une décision qui s’inscrit dans cette troisième vague de contestation, et cette fois-ci, elle en signe la fin.
Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus
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