Représenter l’asexualité pour mieux l’effacer

Méconnue et effacée, l’asexualité demeure encore très peu comprise par le grand public. Pas étonnant que la représentation culturelle, tant télévisuelle que cinématographique, de cette orientation sexuelle soit tout aussi faussée.

« C’est qu’une phase », « Tu ne peux pas savoir tant que tu n’as pas eu de relations sexuelles », « Tu n’as juste pas rencontré la bonne personne » : la communauté asexuelle est submergée de stéréotypes et d’idées préconçues. Presque inexistante de notre paysage culturel, l’asexualité représentée dans la culture reflète trop souvent ces stéréotypes.

Dans une entrevue pour le magazine Elle UK, le réalisateur de la série britannique Sherlock explique que le personnage principal est « asexuel dans un but ; non parce qu’il n’a pas de libido, mais pour faire son travail. »

« Ce qu’il décrit dans cette interview n’est pas l’asexualité, mais le célibat, le fait de choisir de s’abstenir de relations sexuelles pour une raison donnée », souligne le chercheur américain Darren Jacob Tokheim dans sa thèse When the invisible become visible : how asexuality is represented in popular culture. Choisir de mettre de côté sa sexualité pour son travail, ce n’est pas de l’asexualité.

L’asexualité n’est pas un choix, et encore moins un symptôme d’une maladie, comme le suggère le protagoniste de la série américaine House. Dans celle-ci, les seuls personnages asexuels sont soit des menteurs et des menteuses, soit des personnes malades. Une représentation néfaste qui, comme l’explique Darren Jacob Tokheim, « pourrait amener les personnes asexuelles à hésiter davantage à [en] parler à leurs amis et à leur famille qu’elles ne l’auraient [fait]autrement, de peur d’être accusées de mentir. »

Mais la plupart du temps, cette représentation est tout simplement inexistante. Rares sont les personnages qui sont asexuels, mais il est encore plus rare que cette sexualité soit nommée. Trop souvent, le public est laissé avec ses propres suppositions face à un personnage qui exprime peu d’intérêt envers la sexualité ou les relations amoureuses.

On peut penser au personnage Dexter, de la série américaine du même nom, et Sheldon Cooper (Big Bang Theory). Ces deux personnages sont souvent présents dans les discussions sur l’asexualité, pourtant, ni l’un ni l’autre ne l’exprime verbalement.

Cependant, l’importance d’une visibilité assumée n’est plus à prouver. « L’aspect de l’auto-identification est important parce que les [personnes] asexuelles ont été si cruellement sous-représentées dans la culture populaire », explique Darren Jacob Tokheim.

Bien que les personnes asexuelles représentent seulement 1% de la population mondiale, les invisibiliser du regard culturel, c’est refuser d’encourager et de tendre vers l’inclusion de cette orientation sexuelle.

Depuis la moitié des années 2010, la représentation semble s’être améliorée. Si des œuvres comme The Olivia Experiment et BoJack Horseman offrent un portrait plus juste mais tout de même imparfait de l’asexualité, les lacunes de cette représentation sont immanquables.

Todd, dans BoJack Horseman, est fier de son orientation sexuelle qu’il apprend à accepter. Il en parle ouvertement, et est entouré d’ami(e)s qui l’écoutent et l’aiment. Cependant, plusieurs ami(e)s dans le groupe évoquent l’idée que l’asexualité est déterminée par les comportements sexuels d’un individu, et non par l’attirance qu’il pourrait éprouver. Cette idée n’est pas démentie dans la série.

Mais la plupart du temps, l’asexualité reste presque introuvable, surtout dans les œuvres populaires et les films hollywoodiens. La situation au Québec n’est pas plus rose. Quelques rares documentaires, comme un épisode de la série Sexplora, paru en 2016, parle d’asexualité. Autrement, l’asexualité est, une fois de plus, invisible.

Une représentation de l’asexualité basée sur des suppositions faites par le public n’est pas suffisante. Nommer cette orientation sexuelle est une façon pour la communauté asexuelle de se sentir valorisée. Une représentation juste et ouvertement exprimée est un pas de plus pour façonner la perception de cette orientation sexuelle marginalisée. 

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