Une politique familiale en négociation

Le 9 mars dernier, la Commission des études (CE) approuvait la mise en place d’un comité responsable de rédiger une politique familiale à l’UQAM d’ici décembre 2021. Dans sa ligne de mire: les obstacles qui empêchent certains parents d’entamer ou de poursuivre des études universitaires.

L’éventuelle mise en place d’une équipe est une réelle avancée pour le Comité de soutien aux parents étudiants de l’UQAM (CSPEUQAM), selon sa coordonnatrice Annie Noël de Tilly. Depuis 2011, l’organisation fait de la politique familiale son principal cheval de bataille. « On veut la reconnaissance qu’étudier avec des enfants, c’est du sport », affirme Mme de Tilly. 

Le CSPEUQAM souhaite l’implantation de mesures académiques et administratives palliant les inégalités entre les membres de la communauté étudiante avec des responsabilités parentales et les autres étudiants et étudiantes. Si elle est approuvée par la CE, la politique proposée par le comité sera ensuite présentée au Conseil d’administration (CA). 

D’après le vice-recteur à la Vie académique Jean-Christian Pleau, le projet permettrait d’englober une grande partie des défis auxquels sont confrontés les parents étudiants et étudiantes. Toutefois, il ajoute que le processus représente une charge importante. « Plus on ajoute des enjeux à la politique, plus ce sera compliqué. Certains d’entre eux exigent aussi un processus plus long », soutient-il. En l’occurrence, M. Pleau explique que certaines réformes pourraient imposer le changement de lois actuellement en vigueur à l’UQAM. Il s’agirait, d’après le vice-recteur, « d’un nouveau cran de complication ».

Malgré l’ampleur de la tâche, Mme de Tilly explique que l’application d’une telle mesure faciliterait la gestion des problématiques liées à la vie parentale. «Une politique familiale, ça englobe tout le monde et chacun est tenu de la respecter », avance-t-elle. 

Faute de règlements précis, elle doit pour le moment communiquer sur une base régulière avec l’administration pour défendre la cause d’étudiants et d’étudiantes dont la situation parentale n’a pas été reconnue par un membre du corps professoral. « On ne veut plus quotidiennement avoir à faire la gestion arbitraire de nos cas! », exprime la chargée de projet pour la concertation et la mobilisation pour une politique familiale, Chanel Gignac

Comité de rédaction et collaboration

Au comité de rédaction siègeront cinq membres de la communauté étudiante (dont au moins un(e) étudiant(e) étranger(ère) et une majorité de parents aux études), un(e) représentant(e) de chacun des syndicats enseignants et des membres du personnel de soutien et des services à la vie étudiante. Annie Noël de Tilly explique qu’un groupe de mobilisation est actuellement en création afin de permettre au CSPEUQAM de coordonner ses demandes avec celles des cinq étudiants et étudiantes qui seront à la table des négociations. M. Pleau a d’ailleurs bon espoir que ce travail collaboratif favorisera l’appui de la CE. « J’aurais beaucoup de peine à imaginer qu’elle soit refusée comme la proposition sera le fruit d’un consensus entre les parties prenantes », avance le vice-recteur.

Chanel Gignac, pour sa part, souligne l’importance de collaborer avec les syndicats enseignants dans cette démarche. « On veut lancer le message qu’on ne souhaite pas forcément ajouter une charge de travail aux profs », soutient-elle. L’étudiante à la maîtrise en droit ajoute qu’une politique familiale pourrait même, dans certaines circonstances, s’avérer bénéfique aux enseignants et aux enseignantes. La mère aux études rapporte que lors de son parcours universitaire, plusieurs de ses professeur(e)s, par manque de directives précises, hésitaient à lui accorder une plus grande souplesse. « Ils sentaient que ça pouvait accommoder une personne au détriment d’une autre », soutient Mme Gignac.

Les accommodements souhaités

Comme les membres du comité de rédaction n’ont pas été nommés, aucune requête de la politique familiale n’a encore été écrite. Toutefois, les défis récurrents des parents étudiants et étudiantes permettent de tracer une esquisse des mesures qui y figureront. 

Chanel Gignac fait état d’un sondage effectué auprès des parents étudiants et étudiantes à l’hiver 2020 pour estimer adéquatement les mesures qui leur viendraient en aide. Ce sondage a entre autres révélé le besoin criant d’accommodements académiques. 

 « Ce serait important de comprendre que nos enfants peuvent tomber malades », affirme l’étudiant au baccalauréat en science comptable Yannick Godbout. D’après ce père de deux enfants, des règlements obligeant les professeur(e)s à reporter un examen ou à enregistrer les cours pour les parents étudiants et étudiantes diminueraient considérablement le stress de ces derniers. 

Des aménagements administratifs pourraient également trouver leur place dans la politique familiale. D’après Chanel Gignac, la reconnaissance du statut d’étudiant ou étudiante à temps plein à partir de six crédits, donnant ainsi accès aux bourses d’études, serait importante à ajouter. Actuellement, seuls les parents profitant du service d’aide financière aux études disposent de cet avantage. « Ce qu’on veut, c’est un temps plein qui évite d’exclure certaines catégories de parents », affirme Mme Gignac.

D’après elle, plusieurs parents sont actuellement contraints d’abandonner leur parcours universitaire en raison des embûches qu’ils et elles rencontrent. La doctorante en informatique Awa Samaké raconte que sa productivité a drastiquement diminué depuis la naissance de sa fille. « Je me demandais si ça servait à quelque chose de faire mon doctorat [sans pouvoir compter sur] mes réelles capacités », souligne-t-elle. L’étudiante a tout de même choisi de poursuivre sa thèse. Mme Samaké explique qu’elle a été difficile à obtenir et ne pouvait se résoudre à tout laisser tomber.

Une évolution de la situation

Annie-Noël de Tilly souligne l’évolution du regard posé sur les parents étudiants et étudiantes au cours des dernières années. « Au début, on considérait que le fait d’avoir des enfants était un choix personnel. Ce n’était donc pas à l’UQAM de s’adapter à la situation », témoigne-t-elle.  

La coordonnatrice mentionne que le parcours maintenant moins linéaire des étudiants et des étudiantes a donné lieu à l’inscription d’un nombre croissant de parents étudiants et étudiantes. La nécessité de mettre en place certaines mesures adaptatives est, selon elle, plus reconnue. Mme de Tilly souligne aussi que d’autres établissements comme l’Université Laval disposent déjà d’une politique familiale. 

Selon Jean-Christian Pleau, l’UQAM pourrait s’inspirer de ces autres politiques pour élaborer la sienne. « Ça ne veut pas dire qu’on va tout reproduire intégralement. Parfois on peut faire mieux. Mais c’est certain que lorsqu’une expérience a été concluante, il faut s’en inspirer », ajoute le vice-recteur.

Mention photo Archives | Montréal Campus

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