Mariama Dioum : militer pour exister

Étudiante déléguée au conseil d’administration (CA) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) depuis février dernier, Mariama Dioum dénonce notamment le racisme institutionnel, l’opacité de l’administration universitaire et le manque d’initiatives environnementales. Portrait d’une militante acharnée, qui rêve d’un monde exempt d’oppressions. 

« Je suis arrivée en septembre 2014 au Canada. Les résidences de l’UQAM, c’est le premier lieu que j’ai visité en arrivant ici. […] 90% des personnes que je connais, c’est à travers l’UQAM que je les ai rencontrées. […] Je me sens vraiment chez moi à l’UQAM, c’est pourquoi j’ai envie qu’elle soit décoloniale, inclusive et que tout le monde s’y sente bien », témoigne la candidate à la maîtrise en relations internationales et en politique internationale. 

« Mariama dit souvent que l’UQAM, ce n’est pas seulement un milieu d’études. C’est vraiment un milieu de vie pour elle », confirme sa collègue déléguée au CA, Élizabeth Duboc.

C’est ce fort attachement à son université qui a amené Mariama Dioum à vouloir s’impliquer au sein de la démocratie étudiante. « Vu que je suis une étudiante issue de l’international, au baccalauréat, j’avais très, très peur. J’allais dans les assemblées et je ne comprenais pas comment les instances marchaient. Les notions d’amendements, de propositions; tout ça, je n’avais rien compris », mentionne-t-elle.

À la maîtrise, la jeune femme a rencontré Stéphanie Thibodeau, la déléguée étudiante sortante du CA, qui l’a épaulée afin de se familiariser avec les rouages de la politique étudiante. « On a créé ensemble, au sein de l’AFESPED [Association facultaire étudiante de science politique et droit], le poste à l’éducation inclusive dont j’étais responsable.  »

Ce rôle lui a permis de faire ses premières armes au sein de la politique universitaire, lui donnant la confiance nécessaire pour présenter sa candidature en tant que déléguée étudiante auprès du conseil d’administration de l’UQAM. Cette décision n’a toutefois pas été prise sans appréhension : « J’avais peur d’exprimer [mon désir de siéger sur le conseil d’administration]. En tant que femme noire musulmane, je dois tout faire pour qu’on me donne du respect et pour me faire une place », confie Marima Dioum.

Son bras droit, Élizabeth Duboc, souligne que se « rendre au CA [en tant qu’étudiant(e) international(e)], c’est l’une des premières fois que ça se produit. C’est intéressant, parce que ça vient donner un point de vue plus ouvert sur le monde. »  Bien que 10 % de la population étudiante de l’UQAM soit issue de l’international, leur cause a souvent été invisibilisée auprès du CA, juge-t-elle. Mariama Dioum s’est donné comme mission de rectifier le tir.

« J’étais tellement heureuse et rassurée qu’elle prenne la relève », se réjouit la déléguée sortante Stéphanie Thibodeau. « Tout ce devoir de consultation et d’interaction avec la communauté étudiante, elle le porte », assure-t-elle, en plus d’amener un regard neuf sur les luttes antiracistes. 

L’engagement social dans l’ADN

Mariama Dioum a compris alors qu’elle était très jeune les injustices sociales inhérentes au monde dans lequel elle évoluait. Sa mère, confrontée à la société patriarcale sénégalaise, l’a inspirée à vouloir s’engager socialement. « Elle avait un [emploi] typiquement réservé aux hommes et je n’étais pas d’accord avec le traitement réservé aux femmes en position de pouvoir. Elle se faisait surnommer “La Dame de fer” et les gens étaient choqués de la voir conduire une voiture. » 

Fièrement afroféministe, Mme Dioum souhaite, après sa maîtrise, venir en aide aux femmes africaines en zones de conflits. « Depuis que je suis toute jeune, je m’intéresse à la politique internationale et j’ai constaté que les femmes sont toujours utilisées comme armes de guerre, par le viol ou les enlèvements. J’ai envie de travailler avec les organisations non gouvernementales (ONG) internationales contre ça », espère-t-elle. 

La charge mentale du militantisme

« C’est très lourd et épuisant [de militer ainsi]. À cause de mon identité ethnoculturelle et ethnoreligieuse, je ne dis pas tout le temps ce que je pense […] J’ai toujours un sentiment de peur », témoigne l’étudiante déléguée. Elle dit se remettre constamment en question, car « en tant que femme, on sera toujours violentée et critiquée. »

Malgré ce stress permanent associé à son militantisme, la jeune femme n’abandonnejamais face à l’adversité. « Pour moi, se taire, c’est participer à l’oppression. Comme on dit, honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle. On doit tous et toutes apporter notre pierre à l’édifice », conclut-elle. 

Mention photo Lila Maitre | Montréal Campus

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