La vente seconde main en ligne : un modèle d’affaires controversé

Alors que les articles de seconde main jouissent d’un engouement sans précédent, plusieurs y voient une opportunité d’affaires. Des revendeurs dénichent des objets sur des sites de petites annonces ou dans les friperies et les remettent à neuf lorsque nécessaire, pour ensuite les revendre sur Instagram ou Facebook Marketplace deux à trois fois plus cher. Ce phénomène ne fait pas l’unanimité : plusieurs amateurs et amatrices de vintage crient à la surenchère. 

« Les boutiques en ligne de revente d’objets vintage sont définitivement un phénomène assez récent. [Elles] gagnent de plus en plus en popularité ici à Montréal et au Québec, mais c’est un phénomène déjà bien implanté depuis déjà quelques années à New York, à Los Angeles et dans d’autres grandes villes du monde », fait remarquer Jo-Annie Guitard, ex-propriétaire d’une boutique Instagram d’objets vintage. 

Si les marchés aux puces, les antiquaires et les friperies ont toujours été populaires, les objets de seconde main bénéficient d’une « meilleure visibilité aujourd’hui grâce aux réseaux sociaux », juge Émilie*, propriétaire d’une boutique d’objets vintage sur Instagram qui a souhaité rester anonyme par crainte de représailles.

La crise sanitaire a notamment contribué à la popularité des achats de seconde main en ligne, croit Émilie. « Avec le confinement, je pense que les gens n’ont pas eu d’autre chose à faire que redécorer leur intérieur […] Il faut bien s’occuper et surtout se créer un espace dans lequel on se sent bien, ne sachant pas quand le confinement se terminera », mentionne-t-elle. 

Une surenchère généralisée

Face à ce gain de popularité des objets vintage, plusieurs consommateurs et consommatrices ont observé une hausse marquée des prix fixés par les revendeurs et les revendeuses en ligne. « Sur Instagram, comme les boutiques ont beaucoup d’abonné(e)s et qu’il y a de la compétition, il y a moins de place pour essayer de négocier [les prix] », observe Arielle Desgroseillers-Taillon, amatrice d’objets vintage. 

« Ça m’est arrivé très souvent de contacter quelqu’un pour acheter un article et que cette personne me mentionne qu’en raison du nombre très élevé de messages reçus, elle souhaite monter son prix ou tout simplement le retirer du marché, raconte Jo-Annie Guitard.  J’ai déjà vu un fauteuil mid-century en vente à 50$ sur Marketplace être retiré et remis sur le marché, quelques minutes plus tard, à 280$. »

Arielle s’oppose à cette surenchère, qu’elle juge exagérée. «  Je ne trouve ça pas éthique d’acheter quelque chose pas cher et de le revendre ensuite super cher. Les friperies et les marchés aux puces, à la base, ce sont des endroits qui servaient à des gens plus défavorisés », rappelle-t-elle.

Elle ajoute que « les gens pour qui ces boutiques étaient créées se ramassent avec [presque rien], parce que c’est [tendance] pour les gens de classe moyenne d’acheter ces vêtements ou ces meubles-là

Appel à la nuance

Au sujet de la surenchère, Mme Guitard est plutôt d’avis que « si la demande est là et que les acheteurs sont prêts à débourser un certain montant d’argent pour un objet ou un meuble de seconde main, [ce n’est pas] problématique. Je crois que c’est comme n’importe quelle type d’entreprise. C’est l’offre et la demande », laisse-t-elle entendre

«Certains des vendeurs gardent une marge de profit exagérée, mais en même temps, si un magasin obtient un rabais du fournisseur, il ne vendra pas nécessairement ce produit moins cher parce que lui l’a payé moins cher », note-t-elle. 

Émilie, propriétaire d’une boutique Instagram d’objets vintage,  croit aussi qu’il s’agit d’un modèle d’affaires parmi tant d’autres. Elle ajoute qu’il « y a des heures de recherches et un énorme investissement personnel. C’est du temps, de l’énergie mais aussi un investissement financier pour acheter tout le matériel nécessaire à la remise à neuf de certains objets. Certaines personnes ont tendance à l’oublier ».

Mme Guitard mentionne également que ce modèle de boutique en ligne offre plusieurs avantages pour le consommateur ou la consommatrice qui peuvent justifier les prix élevés. « Les boutiques en ligne d’objets vintage ont déjà fait la portion “recherche” pour vous. Les objets ont été sélectionnés avec soin et la plupart du temps nettoyés et réparés, si nécessaire. Je comparerais ça aux « outfits » des mannequins dans l’entrée d’une boutique: ils t’inspirent et te donnent des idées d’agencement [auxquelles] tu n’aurais probablement pas pensé. »

Face aux critiques des consommateurs et consommatrices, Émilie tient à défendre son entreprise et sa boutique en ligne Instagram, qui cumule plus de 3 500 abonné(e)s. « Malheureusement, dans ce milieu, certaines personnes ont la critique assez facile […] Les boutiques d’antiquaires font ça depuis des lustres. Nous faisons la même chose, mais de façon virtuelle », tranche-t-elle. 

*Nom fictif afin de préserver l’anonymat.

Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus

Commentaires

Une réponse à “La vente seconde main en ligne : un modèle d’affaires controversé”

  1. Avatar de Marika

     »Sur Instagram, comme les boutiques ont beaucoup d’abonné(e)s et qu’il y a de la compétition, il y a moins de place pour essayer de négocier [les prix] »
    J’ai envie de dire tant mieux? Si les articles usagés et/ou vintage gagnent en valeur, c’est une preuve que les gens sont prêt à payer plus cher que chez les gros revendeurs de meubles. Que ce soit pour un besoin d’originalité ou pour l’aspect écologique, je vois la même conclusion: il y a moins de demande pour du neuf. C’est dommage pour ceux qui ne peuvent pas se le permettre en ligne, mais les friperies existent toujours, faites en le tour vous même pour éviter le prix  »Revendeur ».
     »Je ne trouve ça pas éthique d’acheter quelque chose pas cher et de le revendre ensuite super cher »
    Premièrement, il y a une grosse généralisation ici, il existe multitudes de plateformes de revente en ligne et certaines exagèrent les prix, d’autres non. Il s’agit de faire ses recherches. Récemment, j’ai eu à m’acheter des jeans. Ma marque préférée étant très peu éthique, j’ai vérifié seconde main sur Depop avant. Voilà: deux paires pour 80$ livrées à ma porte. Une seule paire coûte 120$. C’est 35$ pour une paire de jeans usagée, mais ce que je vois, moi, c’est que je n’ai pas eu à encourager une marque à l’éthique détestable, ni à chercher des jours en friperie, cette marque étant en forte demande.
     »les gens pour qui ces boutiques étaient créées se ramassent avec [presque rien], parce que c’est [tendance] pour les gens de classe moyenne d’acheter ces vêtements ou ces meubles-là. »
    Seulement 25% d’un sac de don apporté en friperie est revendu au final. Une partie pars directement pour le recyclage textile, l’autre sur le planche, et les invendus (oui oui, ils existent même chez les grosses enseignes à grand achalandage) finissent eux aussi au recyclage textile.
    Et pour ce qui est de l’achalandage en augmentation et donc à l’augmentation des prix (gentrification), c’est 100% vrai pour les friperies à but lucratifs. Il faut choisir ses combats. Les friperies à but non lucratif ont encore et toujours des prix abordables et même des ventes type  »sac à 5$ » sur une base hebdomadaire.
    Que les fripes soient  »trendy », moi ce que j’entends, c’est que le fast fashion l’est moins. Soyons franc, dans un centre commercial moyen, les vêtements sont produits sans considération de la main d’oeuvre et de l’environnement. Si vous n’avez pas fait de recherches extensives sur la marque, ne soyez pas dupes, ce n’est probablement que du fast fashion. Voir le documentaire  »The true cost » sur netflix. Je ne retournerai jamais au neuf!
    Ps: Ceci n’est pas une attaque à l’auteur du post facebook, plutôt une réponse à ceux qui dégradent sans connaître les fondements, comme l’article cité.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *