Le jeu qui dicte sa vie

Les obstacles ont été innombrables pour le joueur de basketball de l’UQAM Frantson Démosthène, qui a suivi un parcours ardu avant de défendre les couleurs des Citadins.

Frantson Démosthène a 16 ans. Il prend quelques gorgées d’eau de sa bouteille verte Gatorade, puis essuie la sueur sur son front avec sa camisole. En cette chaude soirée d’août, assis sur l’asphalte rouge et bleu du terrain de basketball du parc Jarry, il se tourne vers l’ouest et accueille la douce brise fraîche sur son visage humide. Il sourit. 

Derrière le stade Jarry, les derniers rayons safran de la journée s’estompent lentement et abandonnent le terrain à l’incandescence des lampadaires au-dessus des hautes branches d’érables et de chênes. À cet endroit, où il n’entend que le rebondissement de cuir au sol et la mélodie métallique des filets en fer, il est à la maison.   

Qu’elles soient sur du bois franc ou sur de l’asphalte, qu’elles délimitent les 420 mètres carrés d’un gymnase ou la petite entrée de garage chez un ami, les lignes du terrain signalent son chez lui. « Peu importe les obstacles, rien n’aurait pu m’empêcher de jouer au basketball », confie-t-il.

Dix ans plus tard, Frantson est maintenant un jeune homme, mais il est surtout l’allier partant de l’équipe de basketball des Citadins de l’UQAM. Il est le cœur et l’âme de la formation. « Son énergie nourrit le reste de l’équipe et pousse tout le monde à en donner autant que lui », raconte son entraîneur-chef Mario Joseph, qui peut compter sur son puissant et polyvalent ailier pour couvrir les cinq positions de l’équipe adverse.  

    Frantson Démosthène

Son approche cartésienne et son dévouement au jeu sont les raisons pour lesquelles les joueurs de l’équipe opposée craignent de voir Frantson passer au-dessus d’un écran pour les affronter sur le périmètre. Selon ses entraîneurs et ses coéquipiers, il sait instinctivement où se mettre pour intercepter une passe ou contrer un adversaire qui coupe vers le filet, et il se donne constamment les meilleurs angles pour s’emparer de rebonds au-dessus des mêlées. Sur le terrain, il n’a jamais froid aux yeux et contrôle le système défensif de son équipe comme un maestro.  

Au front pour défendre sa maison

Les temps n’ont pas toujours été aussi prospères pour Frantson. Il a passé les dix dernières années de sa vie à défendre sa maison. De tous côtés, le basketball lui échappait et il a surmonté de multiples embûches académiques pour se pourvoir du privilège de jouer sur le bois franc du centre sportif de l’UQAM. L’aventure a été ardue, mais Frantson aurait tout donné pour pouvoir défendre le terrain des Citadins contre les attaques des autres équipes de la première division du Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ). 

Un faible dossier académique lui a fermé la porte sur la formation du Collège La Cité à Ottawa. Des problèmes de visa ont aussi mis un terme à son aventure de basketball professionnel en France. 

La douleur de perdre toutes ses opportunités aurait pu le décourager et le pousser à abandonner le basketball, mais le temps passé loin du sport qu’il aime tant n’a fait que grandir la résolution de Frantson. « Bien sûr, il y a eu des moments difficiles et la dépression aurait pu s’installer, mais je suis passé à travers en gardant en tête les paroles de mon entraîneur au secondaire », explique-t-il. 

À l’école Georges-Vanier, dans Villeray, Ralph Olin a pris Frantson sous son aile et lui a permis de croire à ses rêves. M. Olin a moulé l’homme qu’il est aujourd’hui et il lui doit en partie son incroyable résilience. « Que vous veniez de gagner un championnat, ou que vous veniez de perdre contre Saint Exupéry et que la foule vous insulte en sortant du gymnase, gardez toujours votre tête haute », disait continuellement M. Olin à son équipe. 

Paroles que Frantson se répète encore aujourd’hui. Elles lui ont servi lors de ses moments les plus bas, autant sur le terrain que loin de celui-ci. 

« J’ai toujours voulu développer mon jeu le plus possible, mais à l’Université Laval, ce n’était pas une priorité pour les entraîneurs » déclare-t-il en faisant référence à la raison pour laquelle il a décidé de quitter l’équipe de basketball du Rouge et Or. 

Frantson est un spécialiste défensif capable de couvrir toutes les positions sur le terrain malgré sa taille moyenne pour le sport. À six pieds et quatre pouces, c’est son énergie et sa hargne sans pareille qui lui permettent de dominer les rebonds face aux pivots opposés autant que de contrer les meneurs adverses. Si dominant est-il dans son rôle qu’il a été nommé joueur défensif de l’année par la RSEQ en 2018.

Il a toujours voulu plus. Il s’est consacré à développer son arsenal offensif et perfectionner ses outils à l’attaque. Lorsqu’est venu le temps de mettre en pratique les atouts sur lesquels il avait tant travaillé, il a été accueilli avec réticence par ses entraîneurs de l’Université Laval. 

« On m’a dit de continuer de faire ce que je faisais et de ne pas changer mon jeu », mentionne-t-il. Frantson sentait qu’on l’empêchait de s’améliorer et ce différend l’a mené à quitter le Rouge et Or. 

Heureux à l’UQAM

Maintenant à la maison chez les Citadins, il jouit d’une liberté qu’il n’avait pas avant. « Sa vision du jeu est excellente et on lui fait confiance pour prendre les bonnes décisions lorsqu’il a le ballon dans les mains », affirme son coéquipier Schneider Suffrard. 

Le jeune ailier est toujours aussi engagé défensivement, mais Mario Joseph et le reste des entraîneurs de l’UQAM lui permettent également de jouer sur le périmètre afin de faire de lui un joueur plus complet. Frantson leur est reconnaissant et récompense leur confiance avec une férocité continue entre les sifflets. Les balles libres et les rebonds lui appartiennent et il donnerait sa vie pour traverser l’écran d’un arrière adverse afin de contester un tir de trois points. 

Il n’est pas le plus grand ou le plus gros, mais il aime le jeu autant que quiconque et cet amour lui donne des ailes. Quand il roule vers le filet après avoir posé un écran pour son meneur et prend son envol, le regard fixé sur la passe qui se dirige vers lui, cet amour infini est réfléchi dans ses yeux et dans son large sourire. Sourire qui, devant des centaines de partisans et partisanes dans un gymnase universitaire, ou assis avec son ballon entre ses jambes sur l’asphalte du parc Jarry, ne l’a jamais quitté.

Photo fournie par Frantson Démosthène

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