L’UQAM pressée de réfléchir au racisme institutionnel

D’une politique de lutte contre le racisme jamais mise en application à un secrétariat Équité, diversité et inclusion au mandat incompris par la communauté universitaire : des actions sont en cours à l’UQAM pour contrer le racisme institutionnel, mais elles doivent mieux inclure les étudiants et les étudiantes concernées.

La sous-représentation des personnes issues de minorités visibles au sein des employés de l’UQAM est de plus en plus importante. Elle a atteint 15% en 2020, par rapport à 6% en 2006, constate le plan d’action Équité, diversité et inclusion (EDI) déposé par l’Université le 30 novembre dernier pour répondre aux exigences des Chaires de recherche du Canada. « L’UQAM devra déployer des efforts significatifs pour inverser cette tendance », reconnaît le document. 

« Je pense que lorsque tu arrives à l’université et que tu te rends compte que le corps professoral est exclusivement blanc, ça envoie tout un message », souligne  l’étudiante à la maîtrise en linguistique et représentante étudiante au conseil académique de la faculté des sciences humaines, Alexandra Dupuy.

Même son de cloche pour la responsable à l’éducation inclusive et aux étudiants et étudiantes provenant de l’international de l’association facultaire étudiante en science politique et droit de l’UQAM, Amira Issa : « Je pense que ça a un rôle hyper important, plus que ce qu’on peut croire, d’avoir des professeurs, des chargés de cours, qui représentent ces étudiants-là [issus des minorités visibles]. » 

Amira dénonce, par le fait même, un contenu de cours très eurocentré, qui met de l’avant des chercheurs au détriment « d’autres auteurs très intéressants qui ont probablement théorisé sur ces mêmes enjeux-là et qui ont été invisibilisés. »

Une politique institutionnelle avec 25 ans de retard

En janvier 2021, l’AFESH-UQAM faisait parvenir une mise en demeure, dont le Montréal Campus a obtenu une copie, au vice-recteur au Développement humain et organisationnel, Louis Baron. Celle-ci exigeait la mise sur pied du Comité institutionnel sur les relations interethniques prévue par la Politique no 28.

Ce comité, qui doit  être composé de membres issus de tous les secteurs de l’Université, a notamment le mandat de faire appliquer la politique, de l’évaluer et  de faire des recommandations, indique le document légal. De plus, il est censé être informé des plaintes reçues en matière de harcèlement racial, que ce soit « des services du personnel concerné et/ou du protecteur, de la protectrice universitaire. »

Or, bien que la politique no 28 ait été établie en 1995, rien n’a été fait depuis pour la faire mettre en application. « Moi, je trouve ça vraiment choquant que la politique ait été créée quand j’avais deux ans, et que là je suis à l’université, je vais commencer un doctorat l’année prochaine, et il n’y a rien qui a changé », s’exclame la représentante étudiante au conseil académique de la faculté des sciences humaines Alexandra Dupuy.

Dans la foulée de la mise en demeure, le Comité institutionnel sur les relations interethniques a été créé récemment et le recrutement est en cours pour les quatre sièges réservés aux étudiants et aux étudiantes. Ces positions ne sont pas rémunérées, contrairement à la majorité des postes du genre à l’UQAM. « Des travaux sont en cours avec les associations étudiantes quant à la faisabilité de rémunérer les étudiants  [et étudiantes] sur toutes les instances », spécifie toutefois la directrice des relations avec la presse et événements spéciaux du service aux communications de l’UQAM, Jenny Desrochers. 

La politique no 28 pourrait possiblement faire l’objet d’une révision. « S’ils pensent [les membres du comité], que cette politique-là doit être revue, de façon partielle ou majeure, ils pourront en faire la recommandation et travailler à un projet en ce sens », assure Louis Baron. Les travaux du comité  devraient débuter au printemps 2021. 

L’EDI : « Qu’est-ce que ça mange en hiver? »

En parallèle, l’UQAM souhaite se doter d’une nouvelle politique Équité, diversité et inclusion. Le secrétariat EDI, créé en novembre 2019, est une « structure administrative pour pouvoir aider et accompagner toute la démarche qui va être faite concernant l’EDI à l’UQAM », détaille le vice-recteur à la recherche, à la création et à la diffusion, Christian Agbobli. Deux conseillères, Anne Beaulieu et Émilie Macot, ont notamment intégré les vice-rectorats de M. Baron et de M. Agbobli afin de les « aider dans toutes leurs réflexions ».

Cependant, le rôle du secrétariat EDI demeure obscur pour les membres de la communauté uqamienne. « Dans les associations étudiantes, personne ne sait ce que c’est [le secrétariat EDI], ça vient d’où, ce que ça mange en hiver […]. Il est invisible, alors c’est à se poser la question : pourquoi est-il là? », se questionne Amira Issa.

Les membres de la communauté étudiante issus de la diversité ethnoculturelle qui se sont entretenus avec le Montréal Campus considèrent que la première étape pour améliorer la situation à l’UQAM serait de prendre en considération leur point de vue et de reconnaître le racisme institutionnel. « Il faut vraiment nous écouter,  ne pas minimiser les problèmes et agir », croit la nouvelle déléguée étudiante élue au Conseil d’administration de l’UQAM Mariama Dioum. « Je ne dis pas qu’on va tout régler aujourd’hui, mais il faut battre le fer tant qu’il est chaud », lance-t-elle.

Mention photo Édouard Desroches

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