Le Programme Maison Ronde : un tremplin vers la réinsertion sociale

Le groupe communautaire L’Itinéraire fignole actuellement les derniers détails de son tout nouveau Programme Maison Ronde, qui vise à ce que de jeunes autochtones de Montréal en situation de vulnérabilité acquièrent davantage d’autonomie et de confiance en soi. Le programme devrait s’enclencher à la fin du mois de février.

L’initiative est en fait la bonification d’un programme d’employabilité déjà mis sur pied en juillet 2019 en collaboration avec le projet d’économie sociale de L’Itinéraire, le Café de la Maison Ronde. De jeunes autochtones en situation d’itinérance ou à risque d’y sombrer ont alors eu la possibilité de suivre une formation de barista, entre autres, puis d’effectuer des quarts de travail au café tout en suivant leur propre cadence. Certains et certaines s’y rendaient couramment et d’autres à l’occasion de quelques heures ici et là.

Le directeur du développement et de l’impact social de L’Itinéraire, également derrière l’orchestration du Café de la Maison Ronde, Charles-Éric Lavery, a néanmoins dû mettre fin à l’accompagnement des jeunes à la mi-octobre. Cette période marque en effet la fermeture du café, compte tenu de sa formule extérieure: les tables se situent en plein centre du Square Cabot. « On leur disait qu’on allait se revoir en mai, raconte-t-il, mais de dire ça à quelqu’un qui vit au jour le jour, et de lui enlever quelque chose qu’il apprécie, c’est dommage », poursuit-il.

C’est à ce moment qu’a germé l’idée d’un programme qui permettrait à ses membres « d’aller plus loin dans leur démarche » et d’être accompagnés « plus longuement et mieux », explique Charles-Éric. Le Programme Maison Ronde, doucement, prenait forme.

Mi-ateliers, mi-travail

L’équipe derrière l’initiative aspire à accompagner consécutivement deux cohortes de neuf jeunes, chacune provenant de divers organismes communautaires montréalais, comme le Foyer pour femmes autochtones de Montréal, sur une période de 26 semaines. Marilou Maisonneuve, chargée de projets des programmes autochtones de L’Itinéraire, souligne l’importance de travailler avec un nombre restreint de jeunes. « On veut s’adapter à chaque participant. Il n’y a pas de modèle », soutient-elle.

L’horaire auquel se conformeront les deux cohortes sera divisé en périodes d’ateliers misant sur la confiance en soi, de formation et de travail. Essentiellement, on enseignera aux jeunes la préparation de certains plats de diverses communautés autochtones, le maniement de la caisse et le rangement, par exemple. Ces acquis, cependant, ne seront qu’un « tremplin pour la suite, pour ce qu’ils veulent faire plus tard », précise la chargée de projets. Dénicher un emploi dans un autre domaine, retourner sur les bancs d’école, ou « tout ce qu’ils souhaitent, en fait », enchaîne-t-elle.

Surreprésenté(e)s dans la rue

Laurent Jérôme, professeur au Département de sciences des religions et responsable du programme d’études autochtones de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), salue l’arrivée des projets qui épaulent les jeunes de différentes communautés autochtones comme celui de L’Itinéraire. Il affirme que le chemin vers l’autonomie en milieu urbain peut être épineux, spécialement pour les personnes vulnérables moins âgées, car elles « arrivent parfois [à Montréal] sans réseau social, sans réseau de connaissances », indique le professeur.

La discrimination avec laquelle les individus autochtones doivent jongler en ville est elle aussi identifiée par M. Jérôme comme un obstacle, notamment à travers le processus de recherche d’un logement. Lorsque d’autres embûches émergent, par exemple l’accès limité aux services publics (largement documenté), la question de la santé mentale ou encore de la consommation d’alcool ou de drogues, la rue s’érige parfois comme seule option. Pas moins de 12 % des personnes itinérantes montréalaises sont autochtones, alors que ces derniers ne représentent qu’environ 0,8 % de la population de la ville*.

Ce n’est pas un secret bien gardé : la vie dans la rue est loin d’être facile. « On connaît les risques associés à l’itinérance en milieu urbain », se désole le professeur, faisant référence à Raphaël Napa André, ce sans-abri innu décédé de froid dans une toilette chimique le 17 janvier dernier. Un cas tragique qui illustre, dans ses teintes les plus sombres, la misère que peut connaître la population itinérante, au sein de laquelle les personnes autochtones sont surreprésentées.

Le don d’une opportunité

Au moyen du Programme Maison-Ronde, Charles-Éric Lavery et Marilou Maisonneuve souhaitent avant tout que les jeunes participants et participantes cheminent vers l’atteinte des buts qui leur sont propres. Charles-Éric voit le programme comme « une démarche ronde, holistique, sans finalité en soi [où] chaque personne y trouve ce qu’elle y trouve », résume-t-il. À ses yeux, « pour la majorité des gens [en situation de vulnérabilité], ce qu’il faut, c’est juste une opportunité ».

Voilà l’habit que revêt l’initiative de L’Itinéraire : une opportunité. Celle, pour les éventuelles cohortes, de gagner en autonomie, de progresser vers des métiers qu’ils et elles croyaient hors de portée** ou de redorer une confiance en soi quelquefois écorchée en cours de route. Et c’est peut-être là le gain le plus riche, à en croire les mots de Laurent Jérôme : « retrouver une confiance perdue, c’est sortir de l’invisibilisation. »

Mention photo: Lila Maître

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