Avec la pandémie actuelle, la majorité des cours de l’UQAM se donnent à distance. Malgré la politique 42 contre le harcèlement mise en place en 2005, la cyberintimidation est toujours un fléau auquel les enseignants et les enseignantes doivent faire face.
Alors que la session d’automne tire à sa fin, Justine*, étudiante en journalisme à l’UQAM, confie qu’elle a souvent été témoin de cyberintimidation dans l’un de ses cours. Selon elle, la pandémie favoriserait le cyberharcèlement. « Lors des cours en ligne, les élèves ont tendance à beaucoup s’écrire en chat privé sur Zoom ou dans les groupes Facebook, ce qui permet de critiquer le professeur en temps réel et à son insu, ce qui ne se produirait pas normalement dans une salle de classe », ajoute-t-elle.
Dans ces conversations, le type de commentaires varient. Les élèves peuvent aller jusqu’à attaquer l’apparence physique de l’enseignant ou à remettre en question son autorité, voire sa compétence. Pour Justine, un enseignant en particulier semble être la cible de ces comportements. S’il n’a jamais directement adressé la situation dans ses cours, il fait fréquemment appel à l’indulgence des étudiants et des étudiantes vu le contexte difficile dans lequel il doit enseigner.
« Je pense que les professeurs ont eu plus de difficultés à s’adapter à la situation actuelle. Les élèves ont peut-être été trop sévères en critiquant la compétence de certains professeurs », ajoute Justine. D’après elle, la clé serait de faire preuve de plus d’empathie à l’égard du corps enseignant. Comme le dit l’expression : « On est tous dans le même bateau », termine-t-elle.
Politique 42
L’Université s’appuie notamment sur cette politique, ainsi que sur la politique 16 concernant le harcèlement sexuel, pour agir sur la pression psychologique dont certain(e)s enseignants et enseignantes sont victimes. Selon ces politiques, l’UQAM compte sur chacun des membres de la communauté universitaire pour traiter les autres avec dignité, équité et respect mutuel. Aucune forme d’actes déplacés n’est tolérée.
Les étudiants et les étudiantes ayant des comportements irrespectueux envers un(e) professeur et professeure s’exposent ainsi à différentes conséquences. « On peut offrir à l’étudiant de changer de groupe, par exemple. Ça peut aller jusqu’à l’expulsion, mais avant de se rendre là, il peut y avoir une suspension de manière temporaire, des aménagements ou de la médiation », explique la directrice des relations de presse de l’UQAM, Jenny Desrochers. D’après la politique 42, la médiation consiste à ce que les deux parties participent à un processus, de manière volontaire, pour trouver une solution adéquate afin de régler la situation de harcèlement en question.
Des comportements non sans conséquence
Le professeur au département de didactique à l’UQAM et titulaire d’un doctorat en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal (UdeM), Stéphane Villeneuve, mène un projet de recherche portant sur le cyberharcèlement vécu par le personnel enseignant en milieu scolaire et chez les professeur(e)s d’université, notamment ceux de l’UQAM et de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
« Les objectifs de la recherche, c’était vraiment de voir ce qu’ils vivaient comme situation de cyberintimidation : les raisons derrière ces comportements-là, les conséquences qu’il peut y avoir et des solutions possibles pour résoudre cette forme d’intimidation qu’on voit de plus en plus », présente le chercheur.
Plusieurs raisons peuvent pousser les élèves à cyberharceler leurs enseignant(e)s. D’après les résultats de la recherche, les activités d’enseignement seraient la cause la plus importante avec 45,8% des professeur(e)s cyberharcelé(e)s, suivie par les opinions (25%) et les activités de recherche (16,5%).
« Des courriels agressifs, nombreux (5-6) dans une courte période d’heures, sans salutations, avec insultes et menaces parce que des étudiants ne sont pas satisfaits de leurs résultats (pas des étudiants en difficulté, des étudiants qui ont de très bonnes notes mais qui veulent A+) » – Témoignage d’un enseignant recueilli dans le cadre de l’étude de Stéphane Villeneuve.
Le chercheur et son équipe évaluent les conséquences de ces comportements sur les professionnel(le)s de l’éducation. La cyberintimidation peut, entre autres, accaparer l’attention de l’enseignant(e) ou entraîner une perte de confiance, d’efficacité ou d’envie de travailler. À un niveau plus personnel, ces agissements peuvent générer du stress, de la démotivation, de la colère ou de l’anxiété. « Il y en a qui écrivent derrière leur écran et qui pensent qu’il n’y aura pas de conséquences par après parce qu’ils ne voient pas la personne », affirme M.Villeneuve.
« Une personne, manifestement étant passé à titre d’étudiant dans le département auquel j’appartiens, a à plusieurs reprises posté des commentaires injurieux ou diffamatoires sur le mur FB de notre département, en attaquant un certain nombre de collègues, dont moi (une fois). À titre de responsable du mur FB, j’ai effacé ces commentaires et bloqué la personne incriminée. » – Témoignage d’un enseignant recueilli dans le cadre de l’étude de Stéphane Villeneuve.
Plusieurs solutions sont envisageables lorsque des membres du personnel enseignant sont cyberharcelés par leurs élèves. Il est possible, par exemple, d’appliquer des sanctions envers les intimidateurs et les intimidatrices, d’interdire le contact des enseignant(e)s par les réseaux sociaux, de créer une politique universitaire comme l’a fait l’UQAM ou de rapporter les incidents d’une façon systématique. La sensibilisation à la cyberintimidation est également primordiale, que ce soit par le biais de campagnes sur les réseaux sociaux ou de conférences dans les écoles.
*Nom fictif. Par crainte de représailles de ses camarades de classe, la personne désire conserver l’anonymat.
Mention photo : Lila Maitre | Montréal Campus
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