Référendum de 1980: un milieu artistique désenchanté

Le 20 mai 1980, lors du premier référendum sur l’indépendance, 60% de la population québécoise a rejeté l’idée d’un Québec souverain. Ce rêve brisé a laissé comme héritage une douleur qui a teinté le milieu artistique de la Belle Province d’une certaine dépolitisation. Rétrospective sur l’art postréférendaire

À la suite de la défaite du «oui» au référendum de 1980, une vague de déprime a déferlé sur la communauté artistique québécoise. « L’échec référendaire a créé un sentiment de rejet [de la part] des milieux culturels, qui étaient très favorables à la souveraineté du Québec », explique le politologue et essayiste Denis Monière. L’impression que « l’opinion publique n’était pas derrière eux », a engendré une douleur chez les artistes politisés et engagés à la cause de l’indépendance.

Cette baisse de moral et cette morosité se sont traduites par un retour aux valeurs plus traditionnelles, puisqu’on « se réfugie dans les choses que nous considérons comme stables », relève le professeur adjoint au Département de littérature, de théâtre et de cinéma à l’Université Laval, Jonathan Livernois. Par exemple,  Jean Larose a publié, en 1987, La Petite Noirceur, un recueil regroupant 13 essais, qui tentent de dresser un portrait du Québec à l’ère postréférendaire. Pour ce faire, un parallèle est effectué avec le règne de Maurice Duplessis (1944-1959), qui a été marqué par un certain obscurantisme. 

« Des artistes vont devenir moins politisés, ils vont se tourner vers des préoccupations plus individuelles », constate Denis Monière. Les effets psychologiques ont été nombreux pour les artistes militant pour la souveraineté du Québec. En plus d’une dépolitisation générale, certains de ces acteurs et de ces actrices culturel(le)s ont aussi orienté leur production artistique vers d’autres causes, en raison du désenchantement causé par la défaite.

De la fiction au documentaire

Jonathan Livernois explique que l’échec référendaire est un « angle mort » de la création, car cette défaite représente une « blessure  » pour certain(e)s artistes indépendantistes.

La société est ainsi passée de la réalisation d’un projet collectif à un individualisme plus marqué. Le dramaturge québécois François Archambault s’est d’ailleurs inspiré de ce changement de cap pour sa pièce de théâtre intitulée Quelque chose comme une grande famille (2018). En situant l’action en 1982 ,année marquée par une crise économique et une déprime postréférendaire, ses personnages vivent le retour du Québec à ses petites occupations en s’accrochant à leur famille pour tenter de surpasser la mélancolie.

En 2014, François Archambault invitait le public québécois à se replonger dans cette période négligée, écartée de la mémoire collective, avec sa pièce Tu te souviendras de moi. « Je voulais jouer avec les notions de mémoire individuelle et de mémoire collective en mettant en parallèle un personnage qui a vécu la montée de la souveraineté et [qui souffre] d’alzheimer avec une société qui a aussi essayé d’oublier un événement traumatisant », explique-t-il. 

La productrice, réalisatrice et scénariste canadienne, Dorothy Todd Hénaut, a conçu en 1988 le documentaire A Song for Quebec, qui a été traduit en français un an plus tard, devenant ainsi Québec…un peu…beaucoup…passionnément. Celui-ci raconte l’histoire du nationalisme québécois. « Mon premier film en anglais avait pour but d’expliquer l’histoire émotionnelle du Québec pour que [les anglophones] comprennent les émotions qui poussent les Québécois à vouloir l’indépendance », dit-elle. 

Une blessure marquée

En entrevue avec le Montréal Campus, l’auteur-compositeur-interprète et souverainiste assumé Paul Piché confie qu’il n’a jamais voulu écrire sur le référendum de 1980 en raison d’un désenchantement. Ceci étant dit, ses ardeurs militantistes n’ont pas été refroidies en ce qui a trait aux autres causes qu’il défendait dans ses chansons. À ses yeux, l’échec référendaire n’a cependant pas seulement été négatif : l’événement a aussi évoqué la possibilité de voir le rêve d’un Québec libre se concrétiser. 

« Avec le temps qui a passé, on peut essayer de comprendre où nous sommes rendus par rapport à cet événement et voir quelle lecture on en fait avec nos yeux d’aujourd’hui », croit François Archambault. Bien que l’héritage artistique du référendum de 1980 soit moindre que celui d’autres événements polarisants comme la crise d’Octobre de 1970, il n’en demeure pas moins important dans la mémoire collective québécoise.

Illustration : Édouard Desroches | Montréal Campus

Ce texte est paru dans l’édition papier du 1er décembre 2020

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