« Plaidoyer pour une solidarité réciproque » : de l’idée jusqu’aux 1000 signatures

Le gouvernement doit déployer des efforts tout aussi musclés contre la crise climatique que ceux qu’il déploie présentement pour contrer la COVID-19, soutiennent Charles-Émile Fecteau et plus d’un millier de membres du groupe « Plaidoyer pour une solidarité réciproque », dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir le 7 décembre dernier.

Le groupe à l’origine de la lettre s’est formé à la fin du mois de novembre à l’initiative de Charles-Émile Fecteau, étudiant au doctorat en chimie et au certificat en philosophie à l’Université Laval. Déjà engagé dans la lutte aux changements climatiques, le jeune homme de 23 ans a voulu agir à grande échelle lorsque « le déséquilibre entre ce qu’on nous demande de faire pour freiner la pandémie et ce [que le gouvernement] refuse de faire pour le climat » est devenu flagrant, estime-t-il. 

Une lettre d’opinion écrite au début du mois de novembre par le militant Vincent Boisclair, publiée dans le journal étudiant de l’Université Laval, Impact Campus, lui a également fait réaliser le caractère « universel » de la détresse vécue par les jeunes. « Il a exprimé de façon très éloquente la difficulté du confinement », affirme Charles-Émile. Pourtant, les étudiants et les étudiantes se plient aux mesures sanitaires par solidarité envers les individus vulnérables, entre autres – d’où le nom du groupe.

À cette prise de conscience s’est ajoutée l’annonce du « Plan pour une économie verte » du gouvernement Legault. D’après bien des spécialistes, les mesures mises de l’avant par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques seront loin d’être suffisantes pour atteindre la cible caquiste de 37,5% de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. « Ça a été une gifle pour la plupart d’entre nous », déclare Charles-Émile, que le plan vert a laissé « complètement abasourdi ». La cible de 37,5% était elle-même inférieure aux recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui visaient plutôt une baisse de 50%. Les signataires revendiquent d’ailleurs le rejet des projets de troisième lien Québec-Lévis et de GNL Québec, désastres annoncés en termes d’émissions de GES.

 L’engouement qu’a suscité « Plaidoyer pour une solidarité réciproque » a pris son instigateur au dépourvu. « Je ne m’attendais pas du tout à ça », raconte l’étudiant. « Je prévoyais une centaine de signatures, de la part d’amis ou de connaissances », continue-t-il. Selon lui, l’arrêt brusque des mobilisations étudiantes causé par la COVID-19 combiné à un « gros sentiment d’impuissance » a contribué à la levée des 1000 mains ayant voulu apposer leur nom à la lettre.

L’écoanxiété bien réelle

L’étudiant en médecine à l’Université de Montréal et co-organisateur du comité de sensibilisation UdeM sans pétrole, David Khayat Rondeau, est l’un des signataires. L’omniprésence des informations disponibles sur les changements climatiques devrait être un incitatif à « s’impliquer activement », juge-t-il. Il ajoute que de poser des actions comme celle de la signature d’une lettre revendicatrice l’aide à contrôler son écoanxiété, phénomène d’angoisse face au sort de la planète de plus en plus répandu et examiné par la communauté scientifique.

Anne-Sophie Gousse-Lessard, professeure associée à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, confirme que l’engagement militant « amène son lot d’anxiété et d’épuisement ». Elle qualifie de « choc », pour certains jeunes, la constatation que peu de choses changent sur le plan politique alors qu’ils et elles mettent « tout leur cœur et toute leur énergie » dans cette lutte d’envergure. 

Des gestes qui comptent

La professeure est catégorique : poser des gestes dans la sphère publique comme écrire une lettre d’opinion ou participer à une manifestation est « extrêmement important pour la suite des choses. » Naturellement, ces actes n’agissent pas directement sur l’état de l’environnement. Ils le font néanmoins indirectement. « [Ils] sensibilisent et conscientisent la population en plus d’être un moyen de pression sur les gouvernements », explique-t-elle. Ainsi, la myriade d’enjeux systémiques et politiques – principaux fondements de la crise écologique à ses yeux – risque d’être abordée de manière plus ambitieuse.

À travers l’éreintante bataille que mènent jeunes et moins jeunes pour la justice climatique, Anne-Sophie Gousse-Lessard note l’importance de continuer à cultiver l’espoir. « Pas des espoirs naïfs, mais lucides », précise-t-elle. Sans fermer les yeux sur la gravité de la crise climatique, la docteure croit que ceux et celles qui militent pour l’environnement devraient davantage prendre conscience de leurs pouvoirs d’action et de sensibilisation, « qui sont plus grands qu’on le pense », d’après elle.

Charles-Émile Fecteau refuse lui aussi de n’y voir que du noir. Il envisage d’utiliser l’enthousiasme engendré par sa lettre pour accomplir de nouveaux projets. Le jeune homme reste évasif, mais mentionne que plusieurs signataires l’ont déjà contacté afin de mettre leurs visions en commun. « La jeunesse du Québec est pleine d’idées », dit-il, le sourire dans la voix. 

Pour consulter la lettre ouverte du groupe « Plaidoyer pour une solidarité réciproque » :

https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/591116/des-mesures-difficiles-mais-essentielles?fbclid=IwAR3nPc5U8qCMFrFimN9nXnlovSBpqDc_qHzfjcQDDmlb0EpH2jThT3KmE24

Mention illustration Lila Maitre | Montréal Campus

 

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *