Aswang : un choc nécessaire

Présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal jusqu’au 2 décembre, Aswang, le premier long-métrage de la cinéaste philippienne Alyx Ayn Arumpac est une œuvre bouleversante, toutefois essentielle. 

D’après la légende philippienne, l’Aswang est une créature qui hante la ville et qui se définit comme le démon. « Cette ville est son champ de la mort, elle peut vous dévorer. Comme lorsque la peur peut parfois étouffer le courage. Mais, certains refusent d’avoir peur. Ils choisissent de se tenir debout et de regarder le monstre droit dans les yeux », raconte Alyx Ayn Arumpac à propos de la légende. Cette métaphore est utilisée au cours du film pour la lier à Roberto Duterte, le président du pays.

Arumpac et son équipe investiguent sur les répercussions des lois répressives imposées par le gouvernement de Rodrigo Duterte sur la guerre contre la drogue aux Philippines. En 2016, le président demande aux forces policières d’abattre quiconque est soupçonné de vendre ou de consommer de la drogue. Les plus chanceux et chanceuses qui échappent à la mort seront toutefois emprisonné(e)s et torturé(e)s sans motif.  Ce génocide, visant principalement la classe démunie, suscite un sentiment d’indignation chez cette dernière. La réalisatrice décide de montrer cette folie par le pouvoir des images et du son. 

L’art est une arme politique

La cinéaste réussit, à travers des images atroces, à enrichir le film de sa poésie douce et prévenante. Pour accentuer cet effet enfantin que ressent l’auditoire, Arumpac s’accompagne d’un jeune garçon pour y recueillir ses pensées. L’enfant, avec un père en prison et une mère arrêtée, révèle sa vision de la situation sociopolitique avec une sérénité grandiose et une conscience exemplaire. Il témoigne de son horreur quotidienne comme la cinéaste vivait la peur de l’Aswang lorsqu’elle était petite.

Haine, mélancolie et détresse sont les sentiments que la nation ressent envers cette tuerie de masse. La réalisatrice partage son vécu avec une justesse telle qu’il est impossible de ne pas ressentir cette douleur nécessaire pour comprendre la gravité de la situation. À travers son oeuvre, Arumpac transmet la souffrance de son peuple à l’auditoire.

Grâce au ton tendre de la réalisatrice lorsqu’elle raconte la légende de l’Aswang, combiné à la vivacité d’esprit du jeune garçon qui raconte son vécu, Arumpac offre un film saisissant. Sa rencontre avec les familles détruites, son implication sur les lieux de meurtre mêlés à la parole qu’elle accorde aux dépourvu(e)s, permet à la réalisatrice de raconter l’histoire déchirante de son peuple. Montrer la violence a pour but de conscientiser le public : c’est en choquant que la cinéaste tente de changer les perceptions et de créer du changement. 

Aswang est une œuvre renversante qui utilise la force du cinéma pour provoquer, chez la personne qui l’écoute, un esprit de révolte créé par ces plaintes de violences que livre le peuple philippien. C’est un documentaire immanquable qui hurle à l’injustice.

Mention photo Tanya Haurylchyk 

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