Le quatrième long-métrage de Gentille M. Assih, Sortir de l’ombre, a été diffusé sur le site de l’Office national du film du Canada (ONF) en première mondiale le 25 novembre à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
En cette journée qui encourage la prise de parole par les personnes opprimées, Sortir de l’ombre brise le silence et livre un puissant cri de solidarité et de bienveillance. Pour la réalisatrice, les émotions sont la clé qui permet d’unir les peuples. Bien que la singularité des thèmes développés peut ralentir l’immersion dans l’histoire, l’auditoire s’avère touché par ce film débordant d’humanité. Là est d’ailleurs la beauté de l’œuvre qui, tout en étant particulièrement intime, secoue ceux qui sont prêts à écouter.
Gentille M. Assih ne s’attendait pas à ce que son premier film québécois parle de femmes, surtout d’immigrantes, et encore moins de victimes de violence conjugale. Témoin de ces réalités dans son entourage, elle a senti « le besoin de donner l’occasion à ces femmes-là de s’exprimer et de dire leur malaise de par elle-même [et] qu’on arrête de parler pour elles. »
Le public accompagne Christiane dans son quotidien. Au commencement, il semble laborieux de s’identifier à ce personnage principal, sa réalité n’étant pas forcément commune à tous. Aux premières loges de ses rendez-vous médicaux, de ses confidences entre ami(e)s, de ses prises de paroles en public ou encore de ses réunions familiales, c’est pas à pas que l’auditoire est amené à découvrir son cheminement.
Des femmes lumineuses
Dans son documentaire, la réalisatrice d’origine togolaise offre des portraits de femmes criants de vérité. Un vent d’amour, de force et de guérison émerge de cette œuvre marquante qui dépeint de lourdes émotions. Au-delà des thèmes de violences conjugales, d’enjeux familiaux, d’immigration et de deuil qui nouent la trame narrative, le film évoque aussi le soutien, l’amitié et surtout l’espoir.
« Pour moi, c’est d’emmener les gens à réaliser que la première étape salvatrice, c’est la prise de parole et dès qu’on prend la parole, l’espoir renaît parce qu’on découvre autour de soi une forme de solidarité, parce qu’au bout du compte tout le monde est sensible aux émotions », explique Gentille M. Assih, en entrevue avec le Montréal Campus.
Le documentaire est animé d’un désir plus grand que de montrer des femmes immigrantes qui souffrent. Au-delà de la violence conjugale, tout comme les blessures physiques et psychologiques infligées, Sortir de l’ombre dévoile la reconstruction de ses femmes et cette force qu’elles ont envie de partager à l’écran.
Au carrefour des cultures
L’identité culturelle colore le scénario et apporte une profondeur particulière aux personnages et à leur vérité. Gentille M. Assih raconte en rigolant : « Surtout pour nous, notre génération et pour ce groupe de femmes qui est arrivé il y a environ 10 ans, on est des femmes émancipées avant d’arriver ici. L’émancipation on la connaît, on a été éduqué là-dessus, donc ce n’est pas là le point. » Ce film vise à démentir les préjugés envers les immigrantes subissant des violences conjugales. Détruisant cette absurdité que dans leur pays d’origine, on leur a enseigné qu’amour est résignation et qu’il faut alors qu’elles soient soumises aux hommes.
« Le défi, c’est d’arriver à démontrer que [la violence conjugale] est un problème social qui concerne tout le monde », explique la réalisatrice qui a obtenu sa maîtrise en cinéma à l’Université du Québec à Montréal en 2013. Ces femmes immigrantes baignant dans la culture québécoise ont eu le courage de projeter leurs histoires : toutes personnes averties ne s’arrêteront pas à la couleur de leur peau, mais bien aux sentiments qu’elles témoignent.
Un élan de sensibilité
Si son parcours lui a appris une chose irréfutable qu’elle s’évertue d’appuyer dans ses films, c’est que « les gens vivent les émotions sans frontières, il n’y a pas de couleurs, il n’y a pas d’origines […] les émotions on les ressent de la même façon. » Lors de la capture de ses échanges avec ses muses, Gentille M. Assih ne pouvait se contraindre au silence. Ce processus de création instinctif fait preuve d’une grande sincérité dans l’image et les propos.
Fière que l’un de ses longs-métrages soit enfin considéré comme un film québécois, Gentille M. Assih espère offrir un réel outil d’apprentissage sur les réalités taboues des femmes immigrantes et des victimes de violence conjugale.
La personnalité de celles-ci et la narration créent un équilibre parfait entre la noirceur de leurs vécus et l’énergie rayonnante qu’elles partagent. C’est mission accomplie pour la réalisatrice qui dit vouloir transmettre l’espoir à travers son oeuvre : « On voit [ces femmes] s’ouvrir comme des fleurs au soleil et commencer par transmettre ce qu’elles ont de beau en elles, pour moi c’est plus ça l’essence du film. »
Mention photo © ONF
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