La nouvelle mouture de la politique 16 encore questionnée

Le 25 novembre n’est pas une date banale pour de nombreuses femmes. En cette Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le Montréal Campus met le cap sur les efforts livrés par l’UQAM pour lutter contre les violences à caractère sexuel, notamment au moyen de la nouvelle mouture de la politique 16.

Dévoilée le 18 avril 2019 après quatre années de travail de refonte, la politique 16 visant à prévenir et à combattre le sexisme et les violences à caractère sexuel a fait couler beaucoup d’encre à l’UQAM. En dépit de la lenteur de son processus de remaniement, « plusieurs universités devraient s’en inspirer », déclare l’étudiante siégeant au Comité contre le sexisme et les violences à caractère sexuel de l’UQAM Sarah Thibault.

La création du Comité, dont les rôles sont la prévention et le suivi, l’interdiction de relations entre des personnes enseignante et étudiante lorsqu’il y a évaluation, la reconnaissance du sexisme à l’université et la bonification des services qu’offre aux victimes le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement (BIPH) constituent – entre autres – les nouveaux amendements à la politique. « On doit s’en réjouir », certifie celle qui est aussi étudiante à la maîtrise au Département de science politique.

Le cas des plans de cours

Une fois le projet dévoilé, encore faut-il assurer sa promotion. À ce propos, la directrice du BIPH, Maude Rousseau, dont l’un des mandats est de veiller à l’application de la politique 16, se targue d’une longue liste de stratégies déjà mises en œuvre. « Une formation obligatoire sur les violences à caractère sexuel a été déposée en ligne, un encart sur la politique 16 a été ajouté à tous les plans de cours, le contenu du site Web du BIPH a été retravaillé pour le rendre plus accessible », énumère-t-elle. 

L’obligation d’une annexe au plan de cours représente un pas dans la bonne direction, mais semble loin d’assurer un réel échange entre le corps enseignant et étudiant lors du premier cours, avertit Sarah Thibault. D’après la jeune femme, la mesure demeure une forme de « sensibilisation de façade ». Plusieurs enseignants et enseignantes ne font que de brèves allusions à l’encart, « car je crois comprendre que tout le monde n’est pas à l’aise de discuter des violences à caractère sexuel avec leurs élèves », s’avance la directrice Maude Rousseau. 

Prôner un changement de fond

Aussi représentante étudiante du Comité contre le sexisme et les violences à caractère sexuel de l’UQAM, Alexandra Dupuy identifie d’importantes lacunes dans la formation du corps enseignant conformément aux ressources prévues par la politique 16. Plusieurs universitaires n’ont « aucune idée » du fonctionnement des processus de dépôt et de gestion d’une plainte pour harcèlement sexuel, déplore l’adhérente au Comité. « Ce n’est pas uniquement avec une formation sur ce que sont les violences à caractère sexuel que la situation se réglera », poursuit celle qui est également à la maîtrise au Département de linguistique.

Cette méconnaissance plutôt généralisée du BIPH et de ses dispositifs, qui ne touche pas que la communauté enseignante, mais bien l’ensemble de l’UQAM, est reconnue par sa directrice. Maude Rousseau admet que le Bureau doit « travailler davantage à informer la communauté universitaire sur les mécanismes à sa disposition » et garantit que la « volonté est présente ».

Le BIPH, selon Sarah Thibault, ne flirte pas qu’avec l’enjeu de l’accessibilité. L’un de ses mandats consiste à faire rapport des mesures de prévention adoptées par le Comité permanent au vice-rectorat au Développement humain et organisationnel de l’UQAM – son employeur. « Le Bureau se gênerait moins pour tenir un discours qui prône un vrai changement de fond » s’il était indépendant de l’administration, énonce Sarah Thibault. Un rapport de « vérification plutôt que de subordination », que procurerait notamment un Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) au sein même de l’université, « changerait totalement l’approche », selon l’étudiante.

Un partenariat entre le CALACS Trêve pour Elles et l’UQAM s’est tenu entre septembre 2017 et septembre 2019. L’administration de l’université ne l’a pas supplanté.

Des bâtons dans les roues

Les deux jeunes femmes du Comité permanent contre le sexisme et les violences à caractère sexuel remettent en question la véritable utilité du groupe au sein duquel elles siègent. Alors que la politique 16 lui octroie clairement la « [mise] en place [des] moyens de prévention et de suivi nécessaires pour assurer à la communauté universitaire un milieu exempt de sexisme et de violences à caractère sexuel », Sarah est d’avis que sa posture n’est pas « combattive ».

Accès limité aux documents présentés en réunion, impossibilité de décider des thèmes qui y sont abordés, rejet d’idées de modifications à la politique ; l’ajout de membres étudiants au Comité est décrit par Alexandra Dupuy comme « une mesure de faire-paraître ». « Notre rôle sur papier semble peut-être grand, mais dans les faits, de manière administrative, il est très réduit », se désole-t-elle.

 Pour consulter la politique 16 visant à prévenir et à combattre le sexisme et les violences à caractère sexuel et les ressources qui lui sont prévues : https://instances.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/47/2019/04/Politique_no_16_2.pdf.

Mention photo : Lila Maitre

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