« The Magnitude of All Things » : marier beauté et horreur

Présenté jusqu’au 18 novembre par les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), le long-métrage The Magnitude of All Things de Jennifer Abbott oppose de façon touchante les horreurs climatiques aux habitant(e)s qui se battent pour protéger leur terre. 

Au fil du documentaire, de constants parallèles sont faits entre la perte d’un proche et la fatalité de la crise environnementale. Une comparaison simple et évidente au premier regard, mais qui n’en demeure pas moins efficace et percutante. «Nous parlons des étapes du deuil, mais l’ennui avec les changements climatiques, c’est qu’il n’y a pas de journée spécifique pour pleurer sa mort. C’est en continu », explique à l’écran Sally Gillespie, autrice de livres portant sur l’écopsychologie.

Provenant des quatre coins du monde, les différent(e)s intervenant(e)s de l’œuvre partagent leurs inquiétudes face à la crise climatique.  Sarah Baikie habite au Nunatsiavut, soit l’une des régions qui se réchauffent le plus rapidement au monde. L’artiste pleure la disparition des souvenirs qu’elle a de sa terre, alors que la neige se fait de plus en plus absente. Le président de la République de Kiribati, Anote Tong, déplore quant à lui l’inaction des pays développés face à la crise, alors que son pays de l’Océanie sera entièrement submergé en 2100, selon les prédictions scientifiques. 

Opposer les atrocités au magnifique

L’œuvre de Jennifer Abbott réussit à établir une pertinente contradiction entre les récits difficiles des personnes ayant vécu une perte due aux changements climatiques et les images montrées. Malgré les horreurs racontées, les séquences sont d’une beauté sans nom. Filmées par Vince Arvidson, les scènes captent aussi bien la nature que l’humain: chaque récit et chaque paysage arborés s’emboîtent parfaitement. Se chevauchent donc ces deux beautés poignantes qui, contrairement à la réalité, arrivent à ne faire qu’une.

L’association des paysages montrés dans toute leur splendeur et de l’humain qui se met souvent à nu dans ses témoignages révèle une sensibilité émouvante. Alors que Jo Dodds, survivante d’un feu de forêt australien, récite ses souvenirs de l’incendie, le montage (fait par la réalisatrice elle-même) vient ponctuer son histoire d’insertions d’arbres brûlés. Toutefois, lorsque la survivante a les larmes aux yeux, cherchant ses mots, Abbott n’hésite pas à la laisser être maître de l’écran durant un long moment, sans insertion ni coupure. 

Le deuil d’une terre mourante

La réalisatrice lie ses propres expériences à ce parallèle, ayant elle-même perdu sa sœur d’un cancer, ce qui rend son documentaire encore plus saisissant. Elle parsème son œuvre de narration liée à ce deuil. Un choix qui aurait facilement pu détourner l’attention des enjeux écologiques, mais qui, par la justesse des liens tissés entre la narration et les différents récits, permet à l’auditoire de facilement s’identifier à l’histoire. 

«Tout le monde peut s’identifier à la perte d’un être aimé, c’est universel. Mais le deuil de perdre sa terre natale […] je ne sais comment l’expliquer à qui que ce soit », lance l’artiste inuit Sarah Baikie, en larmes. Une nouvelle forme de deuil qui, comme le révèlent les différents portraits tracés dans le documentaire, ne risque pas de s’estomper bientôt. The Magnitude of All Things est une œuvre percutante, tant par la beauté des images que par le caractère touchant des témoignages.

Mention photo : Flying Eye Productions

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