Donner parole à une culture loin de nous

La récente sortie sur Netflix de la série américaine Emily à Paris brosse un portrait stéréotypé de la culture française. Regard sur ce phénomène artistique qui soulève des ambiguïtés, surtout lorsqu’il s’agit de la représentation des peuples autochtones et d’autres communautés marginalisées au Québec.

Une représentation respectueuse empreinte de sensibilité à l’égard de la diversité culturelle est la clé pour une collaboration fructueuse, explique le professeur au département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Jean-Philippe Uzel

Abondant en ce sens, l’artiste inuite Olivia Lya Thomassie explique qu’il faut approfondir ses recherches, rencontrer les gens et aller directement dans leur communauté. Ce sont des étapes primordiales qui doivent se trouver au coeur de la démarche artistique d’un créateur ou d’une créatrice voulant représenter respectueusement une autre culture.  « Il ne faut pas juste s’arrêter à la surface de ce que l’on connaît déjà sur les peuples autochtones », croit-elle.

Evelyne de la Chenelière, comédienne, dramaturge et autrice de la pièce de théâtre Bashir Lazhar, s’est imposée une recherche rigoureuse afin de légitimer la parole qu’elle donnait à son personnage, un immigrant algérien, qui était loin de son vécu, de son expérience. « Je m’intéressais beaucoup à la question de l’immigration comme phénomène intime. Alors, j’ai interrogé des avocats spécialisés en immigration et des personnes qui auraient vécu ce déracinement », explique-t-elle. 

Par la suite, la créatrice québécoise a dû « mettre de côté » le fruit de ses rencontres et les notions qu’elle avait accumulées afin d’y « trouver son fil personnel » pour son oeuvre de fiction. 

« J’aime penser que je suis un ambassadeur québécois de la culture latine. J’ai envie de faire voyager les gens au travers de ma musique, de mon livre » explique l’auteur-compositeur-interprète, Dominique Hudson.  L’artiste originaire de la ville de Québec veut « ouvrir les portes » à cette culture qui est sous-représentée, voire absente, selon lui, sur la scène artistique québécoise. 

Dominique Hudson a beaucoup appris de ses huit années à côtoyer les musicien(ne)s cubain(e)s avec lesquel(le)s il se produit en spectacle. Ces artistes ont été des sources d’inspiration pour son livre Casa de la Danza, paru le 5 octobre dernier. « J’ai appris en les regardant, en les voyant interagir entre eux [et elles]. Ils [et elles] m’ont beaucoup parlé de leur famille, de leur vécu. Je me suis fait au fur et à mesure une banque de personnages, ça l’a dessinée ma perspective [de] leur culture », énonce l’auteur québécois.

Se remettre en question

Néanmoins, d’après Jean-Philippe Uzel, certain(e)s artistes, qui consultent au préalable les minorités présentes dans leur oeuvre, pensent qu’ils ou elles peuvent en faire n’importe quoi par la suite. « C’est là que ça devient compliqué », soulève-t-il. 

La représentation stéréotypée, simplifiée et négative d’une autre culture est toujours un problème aujourd’hui.  « Les peuples autochtones sont souvent représentés de façon négative. Ce sont souvent des affaires tristes qui ressortent, on ne montre pas les aspects positifs de notre culture », relève Olivia Lya Thomassie, en exemple.

L’alcoolisme, la contribution inexistante aux impôts et la spiritualité sont des stéréotypes qui reviennent souvent , selon l’artiste inuite. « Le monde s’attende à ce que nous soyons spirituels, folkloriques, mais nous sommes beaucoup plus diversifiés comme peuple que les gens pensent. On essaie trop de nous homogénéiser », croit Olivia Lya Thomassie. 

Jean-Philippe Uzel est persuadé que le créateur ou la créatrice critiqué(e) par sa représentation simple de la réalité des cultures dont il est question doit être conscient(e) de ses gestes.  « L’artiste n’est plus intouchable. Aujourd’hui, les artistes sont des figures publiques qui doivent répondre de leurs actes », soutient-il.  

Quant à Evelyne de la Chenelière, l’artiste ne doit pas se « poser au-dessus de son sujet », c’est-à-dire avoir un regard surplombant. « C’est un piège de la création. Il faut être à l’intérieur de son sujet avec une sorte de doute systématique sur notre propre parole », conclut-elle. 

Mention illustration Lila Maitre | Montréal Campus

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