Apples : entre mémoire et oubli

Présenté en ligne jusqu’au 31 octobre dans le cadre du Festival du nouveau cinéma, le premier long-métrage du réalisateur grec Christos Nikou, Apples, nous plonge dans un monde où l’amnésie est coutume, à travers un scénario lui-même troué d’oublis. 

Aris (Aris Servetalis) adore les pommes. C’est tout ce dont il se souvient. Comme plusieurs autres personnes victimes d’une épidémie, Aris est devenu brusquement amnésique alors qu’il prenait l’autobus, sans aucune pièce d’identité.

Il se retrouve seul, n’étant pas recherché par les membres de son ancienne famille. Aris s’engage donc dans une thérapie visant à lui créer une nouvelle identité et de nouveaux souvenirs. Il y rencontre Anna (Sofia Georgovassili), une patiente ayant la même condition incurable que lui, avec qui il tente de compléter sa liste de souvenirs à créer.

La beauté des images, filmées en 4:3, imitant le format d’une photo à film, et l’intrigante prémisse ne réussissent pas à masquer le criant manque de contexte au monde singulier qui est introduit : d’où provient cette vague amnésique dont personne ne semble être affolé ?

L’absence d’explications quant à la diégèse du film aurait été justifiable si d’autres aspects clés avaient comblé cette patente insuffisance, ce qui n’est malheureusement pas le cas.

Un frustrant manque d’intériorité

Étant centrée sur la mémoire et les souvenirs, la prémisse du long-métrage de 90 minutes semble promettre une oeuvre réfléchie où la psychologie des personnages serait au coeur du récit. Pourtant, difficile de savoir si Aris souffre de son amnésie et de son abandon. Il n’exprime, tant vocalement que physiquement, que très peu d’émotions liées à ce qu’il vit.

L’un des seuls moments donnant accès à ses sentiments est lorsqu’il regarde tristement une télévision jouant des images de personnes amoureuses. Le moment est toutefois bref, et peu révélateur. Le film aurait bénéficié de s’attarder davantage à ces instants qui aurait permis de mieux saisir le personnage principal.

D’ailleurs, au-delà de l’impossibilité de comprendre la psychologie de son protagoniste, Apples présente quelques autres lacunes quant à ses personnages. La romance entre Aris et Anna est particulièrement négligeable, frôlant parfois la limite entre l’inutile et le parasite. N’apportant que très peu au récit, l’absence de relation amoureuse aurait permis de pallier les autres failles de l’oeuvre, qui auraient bénéficié de quelques scènes de plus.

Brillamment nébuleuse, cette amnésie

Là où réussit le film, c’est lorsqu’il s’attarde à sa prémisse, jouant avec l’aspect volontaire de l’amnésie, qui aurait gagné à être poussé davantage plutôt que d’être amené au compte-gouttes.

Sans jamais le dire explicitement, le film évoque qu’Aris n’a pas oublié irréversiblement l’entièreté de ses souvenirs antérieurs, choisissant plutôt de désapprendre ce qu’il veut, refoulant un passé quelconque qui lui est de toute évidence douloureux. 

Le film laisse sous-entendre que les pommes ont l’habileté de renforcer et retrouver la mémoire. Aris hésite quant au choix qui se dresse devant lui : refuser de replonger dans son identité précédente et s’en reconstruire une neuve ou plutôt affronter difficilement un passé qui, de toute évidence, le rattrape inexorablement dès le tout premier plan.

Crédit photo © Bartosz Swiniarski

Commentaires

Une réponse à “Apples : entre mémoire et oubli”

  1. Avatar de Olivier

    Wow! Très belle plume! Tu as de véritable talent en écriture!

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